La malle aux merveilles, deuxième nuit d'ouverture

Elle s'était laissée admirer en écartant les bras en ballerine. Son regard oscillait entre les détails des manches, les finesses des coutures et son étonnement de ne pas être gênées par elles, du moins aussi peu que possible, aux extrémités du corset. D'ordinaire, porter quelque chose qu'un peu ample par dessous un laçage donnait certes un bouffant inégalable en hauteur, mais par dessous, la chair était malmenée par le moindre pli et une couture un peu trop épaisse pouvait vite devenir un supplice. Sans compter que des marques rouges et irrégulières n'étaient pas du plus bel effet devant un client. Certains étaient plutôt excités par l'idée qu'elle garde quelques uns de ses vêtements, mais d'autres préféraient la dévoiler comme un cadeau et... Ça l'agaçait de ne pas paraître parfaite. Ou plutôt, ça l'agaçait de ne pas choisir ces défauts et elle n'aimait pas celui-là.

Le talent avait l'air d'être de mise, ses quelques mimiques auraient du trahir des fils manquants ou de trop, mais rien n'avait craqué et rien ne la piquait. Celui qui organisait cette fête avait du goût, il fallait qu'elle sache qui, ne serait-ce que pour se figurer un but ou un vice. Elle réajusta une fois encore sa chevelure pour dégager tous les petits cheveux pris encore dans la chemise en son dos et considéra longuement les propos de Flavio. Les joues un peu rosies, elle lui sourit plus largement qu’auparavant, le trouvant brutalement plus sympathique alors qu'il lui proposait d'évoquer ses quelques idées aussitôt. Cinq mille euros ? C'était un sacré investissement, mais si elle faisait quelques heures supplémentaires et savait trouver de bons clients...

Ah, oui, évidemment, mais rassurez-vous, je ne voulais pas de la tulle d'Italie brodée de perles et d'ambre. Non, l'idée est... Presque simple, mais beaucoup trop complexe pour que j'imagine seulement la faire sans que ça paraisse ridicule, ni que je puisse espérer la trouver en commerce. Au juste, ce serait un bustier assez haut, victorien, plutôt simple en dehors de sa coupe. Je voyais un velours noir, plutôt mat, avec une broderie asymétrique, dans des tons bleu-vert. Un collier assorti, assez épais, raz de cou, avec un rappel de la broderie. Il faudra peut-être le renforcer, puisque je voudrais qu'il puisse supporter de la tulle très longue, mais très légère, quelques fragments bleus, d'autres noirs, pour faire un moiré rappelant un papillon. Vous voyez ? Pour la jupe... Je ne suis pas arrêtée. Peut-être simplement un satin mat comme base à d'autres fragments de tulle plus amples et moins découpés, avec quelques rappels de broderie, encore, pour l'ensemble, mais moins soutenues. C'est surtout pour le collier que j'aurais besoin de l'avis d'un expert. La tulle me semble assez légère pour ne pas m'étrangler, mais il ne faudra pas qu'il bouge ou que ça devienne trop pénible.

Elle avait trop parlé et la vie à ses joues s'était faite pétillante. Elle avait l'air beaucoup plus vivante en cet instant, souriante, les yeux illuminés. Elle eut même une petite moue timide avant d'ajouter.

Si ça se trouve, cette fantaisie est totalement ridicule et irréalisable.

Baissant les yeux vers ses chevilles, à la fois pour cacher cette rougeur qui la découvrait trop et passer ce petit éclat d'humeur si positive qu'elle lui était presque bizarre à ressentir, elle mima quelques pas, réfléchissant à sa garde-robe et à ce qu'elle pourrait porter. Elle avait bien des souliers rouges qui ne feraient pas trop tache s'ils s’entrapercevait au décours d'une danse ou d'un autre costumé venant accrocher ses jupons. Des talons modérés, ce qui était plutôt adapté à une jolie courbure d'échine sans pour autant rendre la fin de soirée pénible ou faire enfler, au sens strict, les chevilles. Elle se hissa sur le bout des pieds en demi-pointe, ses mains ajustant les jupons et en vérifiant le tombé d'un œil critique.

Quelque chose à cette hauteur à peu près. Ça devrait être bien pour la longueur, ou alors, vous en êtes pour un demi centimètre... Je compenserai en serrant bien le jupon à la taille, ça fera parfaitement l'affaire.

Oh, un peu de gentillesse et de prévenance dans ce monde de brutes... Attention, Gaelle, tu vas devoir boire ton venin toute la soirée suivante à force de ne pas le cracher, se dit-elle, sans parvenir encore à écorner son propre enthousiasme.

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Les bras levés, tandis qu'elle se laissait arnacher sans rechigner, la jeune femme réprima un gloussement.

" Oh vous devez aussi rendre bien des femmes jalouses vous savez. Elles qui aiment tellement souvent se comparer entre elle, vous êtes aux premières loges pour leur dire qui serait la plus belle ou si leur pire ennemie a bien de la cellulite aux endroits stratégiques ! Quel beau métier que vous faites quand j'y pense ! La journée plongée dans les tissus les plus doux et les plus fins qui soient ! Ca vaut bien le prix des quelques commérages que vous devez entendre après tout ! On a rien sans rien !"

Un nouveau tour sur elle-même, se dandinant sur place et elle hocha la tête en direction d'Ottavia.

" Oh j'ai déjà du manœuvrer de plus gros bateaux vous savez ! En matière de mode, il n'existe pas de défi que je n'ose relever ! Et celui-là promet d'être fort agréable qui plus est ! En tout cas, à défaut d'une âme charitable, je pense qu'un joli billet devrait fortement motiver une jeune personne à m'aider dans mon entreprise..."

Aux propos de la vendeuse, Milie resta un instant songeuse, instant relativement bref mais assez peu habituel pour ne pas passer inaperçu.

" C'est drôle cette pudeur et cette facilité qu'ont les gens à ne pas se sentir à l'aise. Après tout, vous êtes là pour les embellir, vos costumes sont sensés sublimer leur personnage, ils ne devraient pas se sentir gênés face à vous, bien au contraire... Enfin, c'est bien dommage."

Elle secoua alors brusquement la tête, perdant son air songeur aussi vite qu'il était apparu et tourna une dernière fois sur elle-même avant de soupirer de plaisir. Décidément, elle était aux anges aujourd'hui, rien ne saurait gâcher son humeur ne serait-ce qu'un bref instant.

" Attention, si la zone d'essayage n'est toujours pas libre, je vais finir par créer un mini scandale en me promenant les fesses à l'air dans votre respectable établissement tant j'ai hâte d'essayer votre chef d'oeuvre !"

Un sourire malicieux et elle se pencha vers Ottavia, faisant basculer légèrement les cerceaux.

" Je plaisante, j'ai une splendide petite culotte, l'honneur restera sauf !"

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Flavio écoutait avec attention les descriptions de sa cliente, visualisant le projet dans sa tête tout en évaluant les techniques à mettre en œuvre.
C’est encore un peu flou dans mon esprit, mais je pense avoir réussi à saisir l’idée principale. Pour le collier souhaiteriez-vous plutôt une sorte plastron retombant sur la poitrine ou bien quelque chose de plus aérien ?
A priori c’est tout à fait faisable, sauf le collier qui nécessitera peut-être quelques aménagements, d’autant plus que les tissus que vous me citez sont loin d’être difficiles à trouver…
En tout cas d’après ce que vous me décrivez nous devrions tourner autour des 1500-2000 euros, sachant que la confection d’un corset sur-mesure avoisine déjà les 800, cela vous donne une idée du budget que vous devrez y consacrer, du moins si le costume vous convient suffisamment pour que vous osiez revenir nous voir après le bal, sourit-il.

Voilà, la machine créatrice s’était déjà mise en route dans sa tête, mais il allait devoir lui mettre un frein car pour le moment le costume de Blanche-Neige n’était même pas bouclé. Mieux valait faire une chose après l’autre. Heureusement, la longueur de la robe semblait convenir, ce qui lui économiserait un tête à tête avec la machine à coudre supplémentaire.

Bien, dans ce cas si tout vous convient je vous invite à retirer la robe et à me rejoindre en caisse afin que nous finalisions la chose et que vous puissiez repartir chez vous avec votre robe pour le bal… Damned, il m’arrive de plus en plus fréquemment de paraphraser marraine la bonne fée, je devrais faire attention! plaisanta le jeune homme qui se décida à retourner en caisse affronter sa nemesis : le sas de nœuds.
Tandis qu’il laissait la demoiselle revenir à sa tenue civile, il déposa les rubans emmêlés sur le comptoir et entreprit de sortir ceux qui correspondaient le mieux à la robe de qu’il venait de louer et se concentrait intensément sur cette tâche, en tirant la langue à l'occasion.

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La malle aux merveilles, deuxième nuit d'ouverture - Page 2 Ottavia-2fabc53

La vision qu’avait cette jeune femme de son métier était assez amusante, en tout cas bien plus que la triste réalité qui consistait à souvent travailler pour des personnes puissantes et fortunées et donc avec un certain niveau d’exigence et surtout une affreuse habitude de se faire servir ! Mais bon, elle ne souhaita pas entâcher la bonne humeur de sa cliente en lui expliquant le concept qui consistait à être traité comme un meuble la plupart du temps et choisit de répondre :

Mais vous savez, je suis soumise au secret professionnel, je n’avouerais jamais l’emplacement du moindre gramme de cellulite, même sous la torture ! Si vous saviez ce que j’ai eu l’occasion de voir et d’apprendre en matière de petits secrets, vous comprendriez pourquoi certains de mes clients seraient affolés de me voir en position de converser avec leur femme ou leurs amis… Je suis sure que si nous étions en des temps plus reculés, certains m’auraient faite enterrer avec eux dans leur tombeau !

Ottavia jeta un coup d’œil au paravent qui ne s’était toujours pas libéré, puis regarda la crinoline déjà en place, puis jeta à nouveau un œil à la zone d’essayage qui lui parut soudain bien petite, puis…

En fait en lieu et place de votre petite culotte je voudrais bien voir votre soutien-gorge! Loin de moi l’idée de vous faire une proposition déplacée mais je me disais qu’avec votre crinoline en place vous n’aviez pas besoin de retirer le bas, qui sera de toute façon noyé sous la masse… Donc si vous n’êtes pas spécialement pudique et que le fait de dévoiler votre soutien-gorge en public ne vous effraie pas outre mesure, je vous invite à faire tomber le haut afin que je puisse vous enfiler la robe… Sinon nous attendrons, je ne suis pas pressée, personnellement j’ai toute la nuit devant moi !

La proposition n’était pas vraiment académique, mais après tout la demoiselle avait l’air d’avoir si peu froid aux yeux et se montrait si enthousiaste…

Ainsi, son idée n'était pas tout à fait sotte... Elle l'aurait su, elle l'aurait creusée davantage, plutôt que de la laisser au statut de fantasme auquel elle pensait pour s'occuper l'esprit en observant le plafond en attendant un client... Ou lorsqu'il n'était pas tout à fait motivant. Deux mille euros... Une bonne somme, mais rien d'impossible à trouver. Elle prendrait seulement un peu plus de clients, ou viserait-elle ces personnes qui ont autant d'argent qu'une réputation sulfureuse. Elle songea un instant à sa patronne, chassa l'image de suite.

Fantastique. Oh, j'arrive, oui.

Une ombre de malice dans son sourire et elle retourna derrière le paravent, dénouant le corsage avec la dextérité de l'habitude, respirant par à-coups pour forcer les liens à se distendre de façon homogène. Elle passa le corsage par dessus sa tête en se contorsionnant, l'impatience la poussant à tenter le retrait plus vite et en fut quitte pour un soupir et une coupe de cheveux hasardeuse. Elle défit l'élastique qui ne les retenait plus que vaguement et le laissa noué autour d'un de ses index. La robe retrouva son cintre, Gaelle retrouva son jean. Elle avait oublié les crocs et le sang et songeait, rêveuse, à ses apparitions dans ces soieries légères, diaphanes et fabuleuses. Comme elle rayonnerait...

Elle parvint à la caisse, posant la robe en deux plis sur un rebord. Elle passa sa chevelure dense sur ses épaules, cherchant à chasser ses songeries et le débat interne qui la ravageait. Rouge ou bleu ? Turquoise peut-être ? Pourquoi pas mordoré ? Elle garda le silence, observant les mains du vendeur qui s'activaient sur l'amas de rubans. Elle lança d'un ton plus haut, voulant fendre ses pensées et se ramener à la réalité.

Vous y arrivez, Marraine la fée ?

Elle souriait plus largement encore, ce qui lui donnait un air juvénile. Marraine la Fée. S'il savait.

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Milie continuait d'écouter Ottavia avec une attention particulièrement soutenue, surtout si l'on prenait la peine de comparer à ses capacités de concentration habituelles dès qu'il s'agissait de s'intéresser à quelqu'un d'autre que sa jolie petite personne. Mais, une fois n'est pas coutume, elle semblait réellement intéressée par les propos de la vendeuse.

Peut-être était-ce parce qu'elle la renvoyait à ses propres activités d'une certaine façon. Elle réprima un sourire amusé en imaginant rencontrer certains de ses habitués cette fois ci efflanqués de leur tendre épouse, étouffant probablement dans un corset trop serré ou portant une tenue mal ajustée. Son sourire se fit plus large tandis qu'elle s'imaginait discuter des exigences particulières de leur époux si sérieux et si "classique" dans ce domaine et elle hocha finalement la tête à l'attention d'Ottavia.

"Je vois ce que vous voulez dire. En ce qui me concerne, je pense que plus d'une femme, et bien des hommes, seraient prêts à m'enterrer vive plutôt que de me voir dévoiler certains de leurs passe-temps habituels. Ma foi, comme je l'ai dit c'est bien dommage mais quelque part tout le monde a besoin de... comment dit-on déjà ? Ah oui, de respecter les convenances et d'avoir ses petits secrets n'est ce pas ?"

Suivant le regard de la vendeuse en direction du paravent visiblement toujours occupé, elle haussa les épaules d'un air nonchalant et lui adressa son plus beau sourire.

"Oh, je suis déçue que vous n'ayez pas envie de voir ma petite culotte, elle était tellement mignonne avec ses petits noeuds rose ! Enfin, point de pudeur à outrance e ce qui me concerne, je vais pourvoir vous révéler d'autres parties cachées. Après tout, c'est pour la bonne cause !"

Aussitôt dit, aussitôt fait. D'un geste expert de la main, elle se débarrassa d'un tee-shirt rose vif si moulant qu'il ne laissait guère de place à l'imagination et le laissa retomber délicatement sur le sol. Elle se redressa alors devant la vendeuse, la tête droite et sa poitrine généreuse recouverte d'un simple soutien gorge blanc, sans la moindre parure ni dentelle hormis un petit noeud rose niché juste au creux, soulignant un grain de beauté particulièrement bien placé.

"Et voilà, je suis toute à vous ! J'espère que vous n'êtes pas trop déçue !"

Un clin d'oeil amusé et elle était prête pour la suite des essayages.

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Flavio lança un regard dépité à sa cliente, les doigts tous justes sortis de son sac de nœuds.
Ne me dites pas que vous vouliez une couleur différente, sinon je crois que je vais pleurer, fit-il en désignant les deux rubans assortis à la jupe qu’il avait péniblement réussi à isoler.

Il soupira, puis tendit les bras pour réceptionner la robe qu’il déposa sur le comptoir, s’empara de son carnet de bons et d’un stylo qu’il tendit à la jeune femme :
Tenez, pour vous, il suffira de remplir les champs Nom, prénom, adresse… Les formalités habituelles en somme.

Il entreprit de plier soigneusement les différentes pièces du costume afin de les glisser dans un sac de toile brodé au nom de la boutique, et pendant qu’il s’exécutait il se résolut à aborder le sujet épineux : Il nous faudra également régler la question de la caution, car si la location est gratuite, nous devons nous assurer que le costume nous reviendra bien et en un seul morceau de préférence, vous avez donc le choix entre nous céder une pièce d’identité afin que nous en fassions une copie ou bien nous laisser la somme de 400 euros, en chèque ou espèces…

Le jeune homme n’appréciait pas particulièrement cet instant, car il avait toujours l’impression d’extorquer quelque chose… Curieuse impression pour un commerçant, vous ne trouvez pas ?

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Les dires de la jeune femme firent quelque peu tiquer Ottavia : quel genre d’activité pouvait-elle bien exercer pour avoir affaire à de tels passe-temps honteux ?
Elle se ravisa pourtant bien vite, estimant qu’il était malsain de se poser trop de questions sur la vie de ses clients, qui après tout ne la regardait pas. Elle ne souhaitait surtout pas altérer son regard neutre, qui lui permettait d’exercer sa profession en étant d’une impartialité totale. Oserait-elle proposer des tenues olé-olé à un notaire ou bien une tenue sobre à une danseuse exotique ? Elle ne le savait pas vraiment.

Déçue ? Pas le moins du monde, le petit nœud rose reste parfaitement dans le thème, plaisanta-t-elle en faisant signe à la demoiselle de lever les bras.
Elle se saisit ensuite du premier morceau de la robe : les jupons, qu’elle décrocha du cintre et passa autour de la taille de la jeune femme qui était désormais cerclée par un nuage de chantilly. La costumière arrangea le tombé des différentes épaisseurs de tissu, puis lorsqu’elle fut satisfaite du résultat agrippa le reste de la robe et entreprit de la passer, ce qui n’était pas une mince affaire vu le volume de la chose : entre les manches bouffantes, le haut corseté dans dos et la jupe aussi large qu’un parachute, il était facile de se perdre dans cet océan de rose…

Mais en vrai professionnelle Ottavia réussit à mener sa mission à bien et passa ensuite un temps certain à faire bouffer les manches, mettre la jupe en place et lacer le corset dans le dos… Un vrai chantier !

Prenez des notes, vous en aurez besoin pour vous habiller le jour J!

Elle éclata d'un rire bref, mais sincère, qu'elle interrompit d'une main plaquée sur ses lèvres, à voir la tête qu'il faisait. C'était un air si piteux et misérable que, dans sa bonne humeur actuelle, la surprise qu'elle avait eue à le voir n'avait pu s'exprimer autrement. Il s'en sortait bien, à vrai dire : dans bien d'autres contextes, elle aurait été piquée d'une colère plutôt prononcée pour avoir été regardée ainsi. Elle minauda un peu derrière sa main et souffla.

Pardon.

Avant de se saisir du stylo d'un geste vif, ponctué du cliquetis que faisait sonner le bouchon qu'on pousse. Elle se pencha sur le comptoir et commença à annoter le bon, une mèche retombant sur son épaule. Elle tapota ses lèvres du capuchon du stylo, lequel en tomba, rebondissant sur le comptoir. Elle grogna brièvement, ramassa le bouchon farceur et reparu stylo chapeauté.

Hm ? Ah, tant que j'ai le stylo, je vais vous faire un chèque...

Elle attrapa son sac à main minimaliste et y fouilla rapidement, posant près de la caisse un porte-feuille en cuir passé, deux bonbons à la menthe et un ticket de bus avant de les surmonter d'un carnet de chèques vieux de n'avoir guère servi. Elle le remplit, murmurant le nom du magasin et la somme alors qu'elle les inscrivait, avant d'arracher le papier du talon et de le tendre avec le stylo, ainsi qu'un dernier sourire.

Voilà pour vous.

Elle posa les yeux et la main libre sur le sac ensuite, de nouveau rêveuse. Au juste, même si elle s'ennuyait, la soirée vaudrait au moins le passage pour l'idée de la robe...

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Les quelques secondes de silence firent oublier à Milie le fait qu'elle était peut-être allée trop loin et que ses occupations quotidiennes pouvaient déranger ou choquer son interlocutrice. Il faut dire qu'elle n'était pas vraiment à cheval sur les convenances et que les gaffes, elle connaissait, bien qu'elle se fut légèrement "assagie" de par la discrétion nécessaire à son emploi.

Elle esquissa un sourire complice à la réponse d'Ottavia à propos de ses sous vêtements mais semblait concentrée sur les mouvements qu'effectuait la vendeuse affairée tout autour d'elle. Elle essayait de les reproduire mentalement, devinant sans peine la difficulté qu'elle aurait à s'habiller toute seule. Malheureusement, en l'état actuel des choses elle n'avait pas la moindre idée de qui pourrait l'aider dans cette entreprise... une des girls qui n'aurait pas été invitée peut-être, mais ce serait probablement mal venu de lui demander son aide...

Réprimant un soupir agacé à l'idée d'avoir des pensées aussi triviales alors qu'elle était en train de se métamorphoser en Reine, elle se concentra de nouveau sur sa tenue et ses idées noires s'envolèrent tout aussi rapidement. A chaque mouvement, elle semblait s'approprier un peu plus son déguisement, ses mains jouant dans les manches pour tester leur poids, leur longueur afin de deviner l'amplitude, effectivement peu importante, de ses mouvements lors de la soirée à venir.

"Prendre des notes ? Pardon ? Ah oui... Je pense avoir saisi le mouvement à avoir pour enfiler ce nuage rose. Reste à savoir si je trouverais une jeune personne, ou moins jeune d'ailleurs, capable de lacer ce corsage aussi bien que vous ma chère. Le professionnalisme, il n'y a que ça de vrai après tout, on devine tout de suite la patte de l'artiste !"

Le corset n'était qu'un détail, après tout ce n'était ni la première ni la dernière fois qu'elle en porterait un et elle aimait jouer avec le fait que cela mettrait "légèrement" ses atouts féminins en valeur. Une fois Ottavia ayant terminé de ramener artistiquement le dernier repli de la jupe en place, elle fit un pas en arrière, avisant le premier miroir à portée.

A mesure qu'elle s'observait dans le miroir à pieds à portée de regard, un sourire de ravissement se dessina sur ses traits. La robe, non contente de mettre sa silhouette en valeur, lui donnait une allure altière et élégante qu'aucune autre tenue n'aurait été capable de faire. Elle se mit alors brusquement à battre des mains, adieu l'élégance et le port altier mais qu'importe après tout on ne vit qu'une fois.

"Magnifique, splendide ! Je suis au PARADIS !"

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Flavio réceptionna le tout avec un grand sourire, et déchira le bon du carnet après avoir vérifié qu’il était complet et avant d’y agrafer le chèque et de ranger le tout dans sa caisse enregistreuse. Il glissa ensuite les rubans dans le sac qui contenait le costume et tendit le tout à la jeune femme.

Voici pour vous, la tenue qui vous permettra de faire, j’en suis sur, sensation au bal ! J’espère que vous y passerez un agréable moment et que vous apprécierez suffisamment notre travail pour revenir nous voir afin de mener à bien votre projet… Je vous souhaite une excellente fin de soirée et un très agréable bal, conclut le jeune homme en esquissant une révérence derrière son comptoir.

Il balaya ensuite l’échoppe d’un coup d’œil et remarqua qu’il n’y avait pas de nouveau client, mais qu’il n’allait pas pouvoir se tourner les pouces pour autant : alors que sa sœur continuait de s’occuper de sa cliente, il y avait des costumes sortis à remettre en rayon, un gros tas de ruban gisant sur le comptoir… Il retroussa alors ses manches pour jouer son rôle de Monsieur propre et rendre à cette boutique son état de rangement originel.

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Ottavia observait le fruit de son dur labeur et fut satisfaite de voir que, une fois tout bien mis en place, Marie Antoinette avait vraiment de l’allure. La jeune fille n’avait pas choisi la voie de la facilité avec ce costume, mais le jeu en valait la chandelle, cela lui donnait une prestance folle.

Ho vous savez, lacer un corset est très simple… Il suffit de glisser un doigt au niveau des croisillons et de tirer en se focalisant sur les deux boucles centrales, de haut en bas pour la partie supérieure et de bas en haut pour la partie inférieure et de nouer le tout avec la longueur de ruban ainsi obtenue… Il vous appartiendra simplement d’être vigilante sur le degré de serrage : il serait fâcheux que vous vous trouviez mal faute de place pour respirer !

La costumière arrangea à nouveau quelques plissés au niveau de la jupe qui ne le convenaient pas, puis revint se placer à nouveau devant sa cliente pour jeter un dernier coup d’œil. Satisfaite, elle entreprit de passer à la suite :
Bien, maintenant que vous semblez avoir trouvé la robe de vos rêves, nous allons parler des accessoires ! Vu la richesse de l’ornementation du corsage je serais tentée de vous déconseiller de rajouter des bijoux sous peine de tomber dans les travers du sapin de Noël, mais par contre je pense qu’un éventail pourrait parfaire l’ensemble… Pour les cheveux, souhaitez-vous les garder au naturel ou bien aimeriez-vous essayer la célèbre perruque blanche de l’époque ?

Après tout, quitte à jouer le jeu à fond, autant fignoler les détails !

Le sourire fut rendu avec une bienveillance rare chez la jeune femme, même s'il venait plus des yeux que des lèvres. Elle saisit le grand sac pour le tenir contre son ventre plutôt que sous le bras, préférant palper le tissu et les contours du corsage sous ses doigts. Elle hocha la tête aux propos du vendeur, songeant un instant qu'elle n'avait pas demandé quelques conseils de nettoyage, si jamais il y avait des dérapages. Une soirée comme celle-ci pouvait renverser quelques verres de vin ou signifier une danse privée dans les coulisses... Elle serait soigneuse. Elle répliqua.

Alors, à très bientôt, je tâcherai de faire des croquis de ce que je voudrais. Bon courage pour votre fin de nuit.

Un dernier petit signe, elle se détourna, d'un pas dansant et léger, marchant au rythme de ses songes. Des clients plus nombreux ou plus exigeants, juste quelques petits efforts avant de sentir un rêve de soie et de tulle sur sa peau. C'était futile, elle le savait parfaitement, mais ça n'en ajoutait que davantage de valeur. Ça lui correspondait, c'était quelque chose qui ne viendrait que d'elle et cette idée valait bien plus que de l'or ou quelques efforts passés à satisfaire des êtres possiblement dangereux à ses yeux.

Un dernier regard sur la boutique, puis, après un soupir, elle rentra « chez elle ».

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Tandis qu'elle continuait de fixer sa tenue dans le miroir, repérant la position de chaque froufrou, de chaque pli soigneusement mis en place, elle remarqua la silhouette de Gaelle et se fit mentalement note de lui demander un coup de main le grand soir. Après tout, elle se débrouillait fort bien avec ce genre de falbalas et leur relation était suffisamment cordiale pour se permettre de lui demander un tel service.

Un sourire de contentement sur le visage à la pensée d'avoir résolu un problème majeur, elle reporta son attention sur Ottavia et hocha la tête l'air amusée.

"Merci pour les conseils. Je vais éviter de tomber dans les pommes, ce serait gênant aussi bien pour me relever, imaginez un chevalier servant en train de nager dans ce nuage de tissus pour arriver jusqu'à ma main ! En outre, je risquerais de perdre une partie de la soirée et ne pas profiter de mon costume autant que je le pourrais. Ce serait vraiment affreux n'est ce pas ?"

Aux suggestions à propos des accessoires, elle resta songeuse un instant, visiblement déçue. Mais sa déception ne dura que le temps d'un battement de cils. Après tout Ottavia avait raison. Trop de bijoux et la fragile élégance de la tenue s'envolerait en fumée pour laisser place à un déguisement de carnaval de bon marché. Et ce serait manquer à tous ses devoirs de commettre une telle infamie. Elle hocha donc la tête, retrouvant sa bonne humeur.

"Va pour l'éventail ! Il me permettra de dissimuler des rougeurs soudaines ou toute autre émotion un peu trop vive qui ne conviendrait pas à mon rang de Reine..."

...comme un sourire victorieux en attirant une nouvelle victime dans ses filets, ce qui ne manquerait pas d'arriver au vu de sa tenue des plus avantageuses. Mais après tout, elle serait là en partie pour ça. Le plaisir avant tout certes, mais il ne fallait jamais oublier le travail, c'était devenu une seconde nature.

"Pour les cheveux..." Elle joua un instant avec une boucle qui dépassait de sa simple queue de cheval et hocha de nouveau la tête. "Je pense que la perruque serait des plus appropriée ! Après tout autant entrer complètement dans le rôle n'est ce pas ? D'ailleurs... auriez vous des illustrations sur les maquillages de l'époque ? J'ai quelques idées, mais je préfère demander à quelqu'un qui semble connaitre le sujet bien mieux que moi."

Même si son ton restait enjoué, il y avait quelque chose de changé en elle. Elle semblait plus sérieuse, comme quelqu'un parlant affaires et pour elle c'était un peu le cas, bien que son regard continuât de pétiller tandis qu'elle caressait amoureusement les pans de la jupe.

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Effectivement ça serait fâcheux, d’autant plus que pour arriver jusqu’à vous pour vous ranimer il faudrait réussir à déjouer les pièges de la crinoline… Je pense qu’il vaudrait mieux que vous gardiez vos esprits, ça serait plus prudent ! plaisanta la costumière en s’éloignant pour aller chercher les accessoires en question.

Elle sortit une boîte de dessous le comptoir dans laquelle elle plongea les mains avant d’en ressortir 3 éventails différents : un modèle ancien en dentelle, un autre en tissu brodé blanc et un autre en satin rose.

Je vous laisse faire votre choix pour l’éventail, je m’en vais cueillir vos cheveux !

La jeune fille se rendit alors dans un coin de la boutique où étaient entassés plusieurs cartons à chapeaux et revint avec un modèle assez haut rayé écru et mauve. Elle en sortit une masse bouclée, qui ressemblait fort à une dépouille de bichon maltais, avant de reprendre :

Oui, je vous le concède, ce n’est pas très appétissant comme cela, mais il faut essayer pour pouvoir juger ! Il s’agit d’un modèle assez classique, légèrement volumineux mais assez peu pour rester confortable agrémenté de petits nœuds assortis à la robe, que vous pourrez retirer à votre guise… On essaye ? demanda-t-elle en retournant la perruque façon bonnet de bain afin que la demoiselle y glisse la tête.

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La jeune femme fit mine de compter sur ses doigts d'un air appliqué.

"Alors, que je n'oublie rien. Ne pas trop serrer le corset, ne pas envisager de faire une diner pantagruélique, ne pas m'évanouir au risque de finir les 4 fers en l'air et de perdre toute dignité... et surtout ne pas perdre la tête ! Ohlalala, que de choses à se rappeler ma chère, mon cerveau va finir par fumer tellement je dois me souvenir de petits détails essentiels au bon déroulement de la soirée !"

Sans grande surprise, son choix se porta sur l'éventail rose. Après tout elle comptait être raccord à 100% et cet éventail semblait tout approprié. Elle resta cependant en admiration quelques instants devant l'éventail ancien, osant à peine l'effleurer du bout des doigts avant de reprendre une contenance et de désigner son choix avec un large sourire.

Un haussement de sourcils dubitatifs à la mention de la cueillette de cheveux avant qu'elle ne comprenne de quoi voulait parler Ottavia. Réprimant un léger rire, elle se prêta au jeu de bonne grâce, penchant la tête en avant pour l'accessoire final.

"Ce qui est bien c'est que non seulement je n'aurais pas à me soucier de ma coiffure avant le bal mais qu'en plus, je ne risque pas de m'en soucier pendant... une vraie merveille, j'en suis ravie !"

Elle pencha la tête à gauche, puis à droite, afin de juger du poids du caniche mort (oh pardon du bichon maltais...) et elle hocha la tête en guise d'approbation.

"Ma foi, il semblerait que je sois presque parée ! Si avec tout ça on ne me confond pas avec la Reine, je ne vois pas ce qu'on pourrait faire d'autre vous ne croyez pas ? Oh, il faudra que je pense à trouver des chaussures assorties... même si personne ne risque de les voir sous ce nuage de tulle, on ne sait jamais. Mieux vaut être prudent ! J'ai vu une charmante paire d'escarpins rose qui iraient parfaitement dans ce petit magasin sur..."

Sa voix se perdit tandis qu'elle réfléchissait, oubliant un instant où elle était avant de se ressaisir et de sourire de plus belle à la vendeuse, le menton relevé et les bras légèrement écartés.

"Alors... verdict final ?"

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Le raisonnement de la future monarque fit sourire Ottavia : Ne deviens pas reine qui veut, après tout ne dit-on pas « De grands pouvoirs impliquent des grandes responsabilités » ?

Une fois la perruque correctement enfilée, elle laissa sa cliente s’admirer un instant, le temps de lui laisser s’approprier son imposant costume, qui lui allait comme un gant.

Ma foi, je pense que vous avez désormais tous les atouts pour devenir la reine de la soirée, je parie que tous les regards seront braqués sur vous ! J’espère simplement que vous ne comptiez pas passer inaperçu, sinon vous risquez d’être déçue… plaisanta la jeune fille.

Il était vrai que le costume de Marie-Antoinette faisait partie des plus ostentatoires de la boutique, aussi bien de par son volume que sa couleur et que par ses brillants. Le tout donnait une sorte d’aura presque solaire, qui était joliment relevé par le sourire de la cliente – on ne saurait imaginer une Marie-Antoinette d’humeur morose.

Il est vrai que nous ne proposons pas de chaussures avec ce costume, car noyées sous la masse de jupons elles resteront parfaitement invisibles… A vous de voir si vous préférez cacher des ballerines ultra confortable ou des escarpins qui allongent la silhouette, ça peut se porter avec tout !

La costumière marqua une pause avant de reprendre : Alors, adjugé vendu ?

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Se tapotant le nez pensivement, elle tourna une dernière fois sur elle-même avant de retrouver son sourire et de répondre d'une voix chantante.

"De grandes responsabilités hein ? Il est vrai que j'aurais une grande responsabilité au bal, celle de faire honneur à cette splendide tenue. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que tout le monde puisse admirer la Reine ! Hum… je m'enflamme quelque peu non ? Enfin, il faut au moins ça pour rentrer dans la peau du personnage n'est ce pas?"

Passer inaperçu était vraiment à l'opposé de ce qu'elle désirait faire de sa soirée et le contraire, si on prenait le temps de la connaitre un peu, eut été vraiment surprenant. Elle ne savait pas encore ce qui pouvait bien l'attendre mais elle ne pouvait manquer d'espérer que cette tenue alimenterait certainement les multiples discussions qui auraient lieu pendant et après le bal.

"Je pense que je pencherai quand même pour les escarpins, on ne sait jamais ! Imaginez que je finisse par me retrouver dans la peau de Cendrillon et qu'un soupirant ramasse… une charentaise en imprimé écossais… Ce serait du plus mauvais effet et il y a fort peu de chances qu'il se lance à ma poursuite…"

Elle hocha la tête pensivement, visiblement attristée par la pensée de l'existence possible d'un prince charmant aussi peu scrupuleux puis esquissa de nouveau un sourire radieux.

"Adjugé vendu ma chère ! Mais… cela doit vouloir dire qu'il faut que je vous rende le costume et que je ne le reverrais pas avant la date fatidique hein…"

Poussant un soupir à fendre l'âme, elle commença déjà à ôter sa perruque avec maintes précautions avant de la tendre vers Ottavia.

"Je vous rend Fifi. J'espère qu'elle sera sage jusqu'au grand soir !"

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Ottavia ne put s’empêcher de rire en visualisant la scène de la charentaise vieillotte s’échappant de dessous la jupe :
Effectivement, ça n’irait pas très bien… Mais entre escarpin et chausson il existe un juste milieu tout de même ! Les ballerines par exemples…

La jeune femme évoqua ensuite le fait de retirer le costume, ce qui fit soupirer la costumière : déjà qu’à enfiler ce n’était pas bien pratique, mais à retirer, cela allait être encore pire !
Elle réceptionna la perruque qui lui était alors tendue, ne comprenant pas qui était cette Fifi mais elle décida de ne pas s’en préoccuper, car la demoiselle avait tendance à parler par le biais d’énigmes bien difficiles à décoder pour une immigrée comme elle. Elle se contenta donc d’aller poser la chevelure d’appoint sur le comptoir.

Ne pas le revoir jusqu’à la date fatidique ? Sur vous je ne pense pas, mais en attendant le costume restera tranquillement chez vous… D’ailleurs à ce sujet je vous propose de nous le laisser afin que nous le livrions directement à votre domicile, car entre la crinoline, la robe, les jupons et le reste vous allez repartir d’ici encore plus chargée que le mulet d’un marchand d’étoffe, cette solution sera certainement la plus pratique pour vous, enfin sauf s’il vous est désormais impossible de vivre ne serait-ce qu’une nuit séparée de votre robe ! plaisanta Ottavia tout en entreprenant de délacer le corset de Marie Antoinette.

Une fois que le laçage fut suffisamment défait, elle invita la cliente à lever les bras pour lui ôter l’imposante robe rose.
Et on ferme les yeux, histoire de ne pas se faire éborgner par un strass mal intentionné ! On ne se rend pas forcément compte, mais avoir des étoiles plein les yeux, ça pique !

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La jeune femme pouffa de rire et hocha la tête aux propos d'Ottavia.

"Oui des ballerines ou des mules, ce sera très bien… mieux que des charentaises je l'admets. Peut-être un peu moins confortables par contre. Toujours est-il qu'avec ça, je pourrais danser jusqu'au bout de la nuit ! Vous savez qu'il y a une vieille tradition qui dit qu'un bal est réussi quand on a réussi à user ses chaussures jusqu'aux semelles ! J'espère que ce sera le cas ce soir là !"

Elle agita la main en guise d'au revoir en direction de Fifi, en espérant la revoir en bonne forme avant de reporter son attention sur ce que lui disait la vendeuse. Comprenant qu'elle aurait le costume chez elle bien plus tôt que prévu, elle ne put s'empêcher de battre des mains de nouveau et de sautiller, occassionnant un remou des plus impressionnant au niveau de ses jupons.

"Oh je vais pouvoir l'admirer, la toucher, on pourra faire connaissance et tout ! Je pourrais m'imaginer dansant avec avant le grand soir ! C'est merveilleux !"

Elle s'arrêta brusquement, déjà dans ses rêveries, sans même imaginer un instant que son comportement pouvait un peu effrayer son interlocutrice. Elle se laissa délacer et tendit les bras presque par automatisme, tandis qu'elle imaginait si les étoiles dans les yeux seraient vraiment douloureuses ou pas.

"Mmmh par contre vous avez raison. Si cela ne pose effectivement aucun problème j'aimerai autant ne pas risquer de l'âbimer en la transportant avec difficultés dans les rues de Galway. S'il lui arrive quoi que ce soit avant le grand soir, je ne suis pas sure de pouvoir m'en remettre ! J'imagine que je vais de toute façon devoir noter mon adresse quelque par n'est ce pas ?"

En quelques manœuvres habiles, la tenue était enlevée et Milie se retrouvait de nouveau en civil, son soutien gorge blanc à nœuds roses surplombant un jean's tellement serré qu'il ressemblait à une seconde peau. Attrapant son tee shirt qu'elle enfila d'un geste rapide, elle se tourna enfin vers Ottavia, prête pour la suite, et probablement la fin, des opérations.

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Ottavia remis la robe sur son cintre et posa la crinoline dans un coin avant de prendre les jupons sous le bras.
Vous avez tout à fait deviné, il va nous rester quelques formalités administratives à résoudre…

Elle invita la jeune femme à la suivre vers le comptoir, sur lequel elle posa les jupons.
Elle se saisit ensuite d’un carnet de bons sur lequel elle lista avec exactitude toutes les pièces du costume avant de le tendre à sa cliente :

Voilà, vous allez devoir me mettre votre nom, prénom, adresse et tout ce qui va avec, ainsi nous pourrons vous livrer la robe dès demain…
Et nous allons devoir régler la question de la caution, qui est là pour s’assurer que les costumes nous reviendront en bon état. Vous avez le choix entre nous céder une pièce d’identité afin que nous en fassions une copie ou bien nous laisser la somme de 400 euros, en chèque ou espèces, que vous récupérerez en nous ramenant le costume après le bal. Verdict ? demanda-t-elle tout en pliant soigneusement la masse de tissu blanc afin de la ranger dans un sac de transport.

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Milie suivit sagement Ottavia jusqu'au comptoir, ses deux mains derrière le dos et jetant de nouveau des regards émerveillés sur tout ce qui pouvait l'entourer dans le magasin.

Elle la regarda noter les différents éléments de la tenue et se saisit à son tour du stylo, écrivant avec une application peu commune. Elle se doutait que les vendeurs ne pourraient s'empêcher de remarquer que son adresse était la même que celle de Gaelle mais elle haussa les épaules, visiblement peu concernée par ce genre de questionnement. Une petite minute plus tard, elle tendit le bon à la vendeuse, désormais recouvert d'une écriture toute en rondeur, riche en courbes et déliés, qui ne pouvait qu'aller avec sa propriétaire.

Elle tiqua légèrement à la mention de la pièce d'identité, le nom marqué sur le bon de commande ne correspondant évidemment pas raccord avec son patronyme officiel. D'un raclement de gorge, elle se mit à fouiller dans son petit sac et tendit une liasse à Ottavia, esquissant un sourire un peu gêné.

"Mmmmh… je pense que ce sera plus simple de vous verser la caution de cette façon. J'aurais moins mauvaise conscience s'il arrive quelque chose à la tenue et de toute façon, vous avez mon adresse n'est ce pas ? Et ça nous évite de la paperasse inutile !"

Balayant l'air d'un revers de la main, elle fouilla de nouveau dans son sac et en sortit 100 euros supplémentaires qu'elle glissa dans la main d'Ottavia, son sourire se faisant complice.

"Ca c'est pour vous. Pour vous remercier de votre attention, de votre professionnalisme et surtout de votre goût exquis très chère !"

Elle se tapota alors le nez d'air songeur tandis qu'elle refermait son petit sac d'un claquement sec.

"Et bien, je ne sais si nous nous recroiserons avant le bal. Je ferais tout pour faire honneur à votre tenue et à votre boutique ! Comptez sur moi pour parler de vous à un maximum de personnes ! Votre talent mérite d'être connu par le plus de personnes possible !
Prenez soin de vous ma bonne amie surtout !"

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Ottavia réceptionna son billet de pourboire d’un air reconnaissant.
Je vous remercie, cela fait toujours plaisir de voir son travail suffisamment estimé pour mériter un petit supplément !

En effet, ce n’était pas tant le pourboire en lui-même qui lui faisait plaisir, mais l’intention que la cliente avait eu vis-à-vis du service qui lui avait été fournis.

Elle rangea ensuite la liasse de billets dans une enveloppe qu’elle marqua au nom de la cliente avant de ranger le tout dans la caisse enregistreuse, puis elle détacha le bon du carnet afin d’agrafer la feuille au sac contenant le jupon.

Je ne pense pas nous nous recroiserons avant le bal, car c’est mon frère qui se charge des livraisons… Mais je compte sur vous pour vous montrer royalement éblouissante et venir me raconter votre soirée après coup ! Et surtout, amusez-vous bien!

La costumière salua Marie-Antoinette avant d’empaqueter correctement le costume pour le transport : bien mettre la perruque dans sa boîte, la robe sur son cintre, mettre une housse de protection par-dessus ainsi que sur la crinoline… Cela demandait une telle logistique qu’elle se demandait comment faisaient les dames de l’époque lorsqu’elles voyageaient, avaient-elles des carrosses entiers pour leur servir de dressing ?

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