La malle aux merveilles, deuxième nuit d'ouverture

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Esprit des Fondateurs a écrit:

La malle aux merveilles est une boutique de location de costumes installée sous un grand chapiteau beige solidement amarré dans le hall d'exposition du centre.

A l'intérieur, les "murs" sont camouflés par des rideaux rouges de théâtre et bordés par toute une série de portiques surchargés de costumes et d'étoffes précieuses.

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Au fond de l'échoppe, un comptoir en bois ancien surmonté d'une vieille caisse protège une collection de masques vénitiens suspendus à même la toile. Sur la droite, un paravent délimite une zone réservée aux essayages.

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Une pancarte à l'entrée, affichée tel un menu de grand restaurant, accueille les futurs clients:

pancarte a écrit:: Bienvenue à la Malle aux merveilles,

Nous vous proposons des costumes uniques réalisés dans la plus pure tradition vénitienne. Notre sélection vous permettra de revêtir des tenues traditionnelles réalisées dans les étoffes les plus nobles ou bien d'endosser un rôle plus contemporain avec nos costumes modernes, laissez votre fantaisie s'exprimer!

Nous effectuons des retouches si besoin pour être certains que votre costume vous ira comme un gant!

A l'intérieur, voici ce que vous pourrez trouver:

Costumes féminins:

Costumes masculins:

Le carton d'invitation en main, l'ongle d'un index soulignant l'adresse d'un coup de griffe, elle releva le nez du vélin pour poser le regard sur la porte close. Une tente à portes, c'était plutôt amusant, dans l'idée. Cette invitation également. Elle se demanda furtivement comment l'avait-elle reçue, si c'était un client à qui elle avait plu et qui était mêlé à l'organisation, si ça pouvait être sa patronne qui avait voulu faire connaître ses filles de quelques personnes qu'elle savait devoir se trouver à la réouverture du théâtre, qui avait mené ce carton à lui être adressé. Peut-être n'était-ce également qu'un hasard, une politesse, qui aurait très bien pu échoir à une autre fille et qu'il n'y avait rien de personnel là dedans. Elle le rabattit et lâchant un soupir bref, avançant vers la porte pour la pousser d'un geste peut-être un peu plus sec que ne l'aurait voulu la simple neutralité.

La curiosité simple prit le pas sur l'interrogation intriguée. Ses yeux parcoururent l'endroit, les tentures, les costumes, l'espace bigarré et antique, un peu trop fermé pour elle. Elle se sentit empruntée, négligée, sitôt qu'elle frôla une dentelle de son bras en voulant contourner un étalage de robes chargées et suspendues. Elle ne portait qu'un pull un peu ample, noir, laissant entrevoir une épaule blanche, sur un jean vieilli et un peu étroit. Elle s'éventait du carton d'invitation sans y penser, alors qu'elle avançait presque à reculons, le regard rivé aux fanfreluches, avant de faire volte-face pour refaire face au fond du magasin, aux masques et au paravent.

Oh, joli... Je veux dire, bonjour ?

Elle parlait à l'un des masques, plus qu'à un éventuel vendeur, la tête légèrement penchée. Elle suspendit son pas, gardant le visage levé vers l'art coloré de Venise. Une sensation bifide, de malaise et de plaisir, s'infiltra en elle. C'était un bel endroit, plein de rôles à prendre. Des rôles grossiers, convenus, qui ne tiendraient pas au delà d'une soirée qui leur était consacrée, mais des rôles amusants, auxquels tout le monde se prendrait volontiers, ce soir-là et ce soir-là seulement. Elle laissa échapper un sourire vague.

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Avec quelques minutes de retard, comme à son habitude, la silhouette callipyge de Milie se présenta devant la tente, tandis qu'elle jetait de nombreux regards indécis sur son carton d'invitation.

Elle avait attendu cette soirée avec impatience, changeant de tenues un nombre de fois incalculables avant de se rappeler avec délice qu'elle aurait droit à un costume spécialement apprêté pour la soirée. Un bal, un vrai, où elle pourrait le rôle qu'elle voudrait, se vêtir des plus beaux atours qu'elle pourrait trouver et se faire remarquer... un avant-goût du paradis à bien y réfléchir.

Elle était incapable de se rappeler qui lui avait glissé cette invitation sous le pas de sa porte, probablement un de ses nombreux admirateurs, mais elle ne s'en souciait guère. L'important était d'être là pour cet évènement mondain dont tout le monde parlait depuis quelques jours.

Entrant d'un pas décidé dans la tente elle s'arrêta brusquement, jetant un regard de ravissement sur la masse de costumes, de froufrous et de dentelles qu'elle pouvait déjà apercevoir. Son doigt effleura distraitement la pancarte à l'entrée, tandis qu'elle semblait soudainement gagnée par une espèce de timidité peu habituelle. Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'elle était invitée au paradis, bien que sa vie ne soit pas des plus tristes.

Mais cet instant ne dura qu'une seconde, deux peut-être, le temps qu'elle remarque une deuxième rangée de vêtements, un véritable amas de crinolines et d'étoffes précieuses.

C'est ainsi qu'elle se retrouva au milieu de la pièce, la main sur le coeur, dans une posture digne des plus grandes tragédiennes. Elle se mit à parler à voix haute, s'adressant à qui voudrait bien l'entendre.

"Oh mes aïeux. Je sens que je vais défaillir de bonheur ! Bonjour mes amis ! Bonjour !"

Dans son autre main elle tenait son invitation, poing fermé, comme pour empêcher quiconque de lui enlever, un sourire radieux flottant sur son visage.

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Accroupi derrière le comptoir, Flavio s’adonnait à une activité tout à fait passionnante : démêler des lacets de spartiates. En effet, la veille, à fouiller dans son stock comme un sagouin pour satisfaire une cliente il avait mis une pagaille monstre dans son carton de sandales et s’était fait remonter les bretelles par sa sœurs à juste titre : elles ressemblaient plus à un énorme tas de spaghettis boulettes à de fières chaussures.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il avait entreprit de défaire patiemment chaque nœud et de dénouer chaque boucle, ainsi il n’aurait pas l’air d’un idiot si un client venait à lui demander de quoi parfaire sa tenue de gladiateur. Il était donc appliqué à mener la vie dure à un paquet de nœuds particulièrement retord lorsqu’une voix féminine le sortit de ses pensées. A qui pouvait-elle bien parler, il était seul dans la boutique ? A moins que sa sœur ne soit revenue sans le prévenir…

Posant son paquet à terre, il se releva d’un coup et tomba presque nez à nez avec une cliente (Gaelle) en train d’observer un masque.

Heu… bafouilla-t-il d’un air bêtement surpris, Bienvenue à la malle aux merveilles, je suis Flavio, que puis-je faire pour vous gente demoiselle ?

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La malle aux merveilles, deuxième nuit d'ouverture Ottavia-2fabc53

Ottavia avait du, contrairement à son habitude, s’absenter de la boutique et laisser son jeune frère s’occuper de l’ouverture, car sa machine à coudre avait décidé de se mettre subitement à faire la grève.
La vieille Singer du début du siècle avait appartenu à sa mère, elle y tenait donc comme à la prunelle de ses yeux, et étant donné que ces vieux mécanismes dénués de toute électronique étaient quasiment increvables, ils étaient très rares sur le marché. Qui aurait besoin de pièces de rechange pour un engin qui n’est jamais censé tomber en panne ?

Heureusement, de par sa population si particulière, Galway était une ville où l’on pouvait trouver bon nombre de vieilleries. Elle avait donc passé une partie du début de soirée à chiner de ci de là et revenait désormais à la boutique avec un carton rempli de rouages, de vis et de courroies en tout genre, et remarqua d’emblée qu’une jeune femme se promenait seule entre les portiques parce que son jeune frère était occupé avec une autre. Elle soupira, il en avait encore bien des choses à apprendre sur le commerce ! Mais bon, elle lui ferait la morale une prochaine fois, pour le moment elle se devait de jouer son rôle de vendeuse exemplaire :

Bien le bonsoir mademoiselle, avez-vous déjà vu quelque chose qui vous tente ou bien souhaitez-vous que je vous conseille ?

Elle recula d'un petit pas de plus, son dos frôlant les dentelles amoncelées sans faire danser les cintres. Elle laissa tomber son regard sur le vendeur avec un temps de retard, comme regrettant le face à face avec le masque, pour lui adresser un sourire un peu fade, ou effacé, maquillant sa surprise par l'attitude d'une cliente s'attendant à être servie et qui l'aurait appelé.

Ah, vous étiez là. Hm, j'espère ne pas vous déranger ?

Elle rajusta son pull sans faire mine d'y penser, humant brièvement son parfum au passage : tout allait bien, la fragrance d'eau et de fleurs délicates avait survécu aux transports. Elle relâcha le tissu pour lisser le bas du vêtement, présentant le carton sans le tendre.

Je viens pour ceci... J'imagine que je ne dois pas être la première.

Elle appuya, mais à peine, son petit sourire léger, quoiqu'un rien triste, en abaissant le carton et en reposant le regard sur les alentours, fugitivement. Quelques questions lui brûlaient les lèvres et elle n'était pas tout à fait encline à choisir son déguisement trop vite.

Il n'y a pas trop de monde à cette heure-ci... Beaucoup de gens sont venus vous rendre visite, déjà ?

Elle retint la remarque qui se roulait dans sa gorge avec un gout de cendre et d'agacement gâchant déjà la fête. Elle était déjà un peu trop bavarde, bien que simplement polie et encore en retrait. Elle affecta de prendre une pose détendue, posant une main sur son flanc, basculant la hanche pour rejeter une mèche de cheveux en arrière d'un mouvement de menton, ses yeux revenant sur le vendeur.

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Flavio leva un sourcil interrogateur à la question « J’espère ne pas vous déranger ». Bien sur que non elle ne le dérangeait pas, il était commerçant, n’aurait plus manqué que les clients potentiels l’importunent… La politesse faisait parfois poser de bien curieuses questions.

Le jeune homme survole d’un coup d’œil l’invitation que lui tendait la demoiselle : il l’avait vu tellement de fois qu’il aurait pu la reconnaître de dos, les yeux fermés et dans le noir.

Effectivement non, vous n’êtes pas la première… Il s’agit de notre troisième période d’ouverture, nous servons le soir entre 22h et 3h du matin puis nous rouvrons la journée entre 11h et 1h. J’imagine qu’à cette heure-ci il est encore trop tôt pour notre clientèle nocturne habituelle, ces gens là sortent rarement avant minuit j’ai l’impression.
« Ces gens là » désignant pudiquement les vampires. Ne sachant pas encore à qui il avait affaire et quelle était sa sensibilité sur les créatures de la nuit, il préférait parler par périphrases plutôt que de créer un incident diplomatique. Galway avait beau être une ville connue pour sa population bigarrée, il existait encore certaines personnes vivant dans l’ignorance la plus totale de la nature de leurs voisins.

Effectivement, nous avons eu déjà quelques visites, mais rassurez-vous, nous avons de la ressource et notre stock est assez fourni pour habiller la cité toute entière ! argumenta-t-il de façon très commerciale, ne souhaitant pas voir apparaître chez sa cliente le syndrome « fin de soldes » où les personnes se résignaient à prendre ce qu’il restait dans les fonds de tiroir, car il leur restait effectivement de très belles pièces. De toutes façon, toutes leurs pièces étaient très belles, mais ça il ne pouvait pas le dire, c’eût été trop prétentieux.

Je suppose que vous êtes ici pour vous procurer un costume ? Avez-vous une idée précise en tête ou bien auriez-vous besoin de conseils sur le sujet?

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Milie jeta un bref regard au vendeur, réprimant un sourire amusé. Son imagination à la limite de l'ubuesque lui faisait se poser les questions les plus farfelues lorsqu'elle rencontrait des hommes... ou alors peut-être était-ce la déformation professionnelle mais elle devait se l'avouer, c'était parfois bien utile. Elle se demandait souvent quels étaient leurs vices, leurs préférences, s'ils le faisaient en vitesse ou s'ils aimaient à concourir pour être le plus grand étalon du siècle.

Ce bref coup d'oeil à Flavio lui suffit donc à se demander s'il n'avait pas tout simplement capitulé et si, au lieu de compter fleurette ou de chercher la romance auprès d'une agréable jeune femme, lui et son missile ne contentaient pas de vivre d'onanisme et d'eau fraiche.

Secouant la tête et réprimant son sourire amusé, elle reporta son attention sur la vendeuse qui s'approchait d'elle avec affabilité. Si elle avait déjà fait son choix ? Comment pouvait-elle devant ces mille et une merveilles ou chaque tenue semblait neuve et n'avoir jamais été rapiécée à la différence de certaines de ses propres tenues qui coloraient son sanctuaire.

"Bien le bonjour à vous ! Ces lieux sont vraiment enchanteurs pour une personne comme moi ! Vos tenues sont tout bonnement splendides ! Je vous avoue que je ne sais pas quoi choisir pour ce bal masqué, vous avez tellement de choix... Je cherche quelque chose de... voyant, de volumineux, avec plein de froufrous et de tissus ! Que me conseillez-vous ma bonne amie ?"

Nul besoin de falsifier son enthousiasme, elle savait que ce n'était qu'une question de minutes avant qu'elle ne soit prise dans l'engrenage des essayages et elle se voyait déjà en train d'essayer une multitude de falbalas et de tournoyer au milieu de la pièce, anticipant la merveilleuse soirée à venir.

"Mais dites moi... une question me taraude depuis mon arrivée. Comment vous faites tenir les masques ? Avec de la pataphysique ? "

Elle se pencha alors vers la vendeuse avec un clin d'oeil complice.

"Tous les matins, j'apprends un nouveau mot, histoire d'être un peu plus intelligente... pas que je sois bête hein, mais je me suis dit que ça serait bon pour ma future carrière si je m'exprimais mieux !Vous ne croyez pas ?
Celui là c'est pour l'espèce de truc collant qui permet de fixer les objets... enfin je crois. Celui d'hier c'était un truc du genre pneumocystose... De mémoire, je crois que c'est une maladie et que c'est pas joli joli, mais j'ai pas encore trouvé comment le caser. Vous imaginez ? Demander à quelqu'un qui tousse s'il est atteint de cette maladie ? Ce serait déplacé tout de même !"

Elle secoua la main dans le vide, comme pour balayer son discours sans queue ni tête puis reporta son attention sur les tenues qui l'entouraient avec un large sourire.

"Alors...par quoi on commence ?"

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Ottavia avait commencé par sourire poliment aux compliments de sa cliente pour finir par opiner du chef avec un léger sourire de façade pour faire face aux délires de la demoiselle : elle n’avait pas compris un traitre mot de son délirium sur la phataphysique et de pneumomachinchose… Surtout que l’anglais n’était pas sa langue natale, et il lui était parfois difficile de tout bien saisir.

Bah, peu lui importait au final, même les drogués, les alcooliques et les fêlés avaient droit à leur petit morceau de rêve ! Elle se focalisa donc sur ce qu’elle maîtrisait : le costume.

Nous disions donc : voyant, volumineux avec des froufrous ?
Nous avons ça en stock, ensuite tout dépendra de l’effet que vous souhaitez produire…

Si vous aimez les personnages un peu sexys, nous pouvons vous proposer la danseuse de French cancan ou de saloon, qui sont plutôt décolletés et bien dégagées au niveau des jambes. En revanche, si vous préférez les personnalités plus majestueuses, nous pouvons vous proposer une tenue de courtisane de Louis XIV ou de Marie-Antoinette, qui sont richement ornementées et du coup plus imposantes à porter…

Alors, quel type de personnage souhaiteriez-vous incarner le temps d’une soirée ?

A fadaises, fadaises et demi. Évidemment qu'elle venait pour un costume, mais ils étaient dans un registre courtois, aussi fallait-il passer par les évidences banales qu'on se lance d'ordinaire au visage pour se donner l'impression de se considérer les uns les autres. Encore des mensonges pour faire semblant d'être appréciée et de le rendre bien. Elle acquiesça en toute logique, sans faire montre de quoi que ce soit.

Oui, j'ai déjà une idée... Je voudrais quelque chose qui soit, comment dire, raccord. Vous voyez ? Quelque chose qui ne fasse pas tache, mais pas non plus banal. J'avais pensé à un personnage de conte, par exemple... C'est souvent pris, mais il y a le choix, non ?

Elle progressa dans les rayonnages, croisant le regard de Milicent. Elle était tout sauf étonnée de la croiser dans un lieu pareil, mais elle en fut agacée. Ah, l’invitation devait être générale, du moins commune aux Girls, ce qui était assez impersonnel pour être vexant. Elle adressa un très bref salut du menton à sa collègue, puis à la vendeuse qui subissait son babil, passant ses nerfs en faisant crisser les cintres pendant les merveilles de tissu.

J'ai presque peur d'être trop classique, mais j'avais pensé à Blanche-Neige. Vous ne l'avez pas déjà loué ?

Dieu qu'elle était déjà énervée. Elle voyait déjà l'ennui incarné venir marcher sur la soirée et changer l'aventure prometteuse en salmigondi fade et creux, où on se tiendrait aussi droit qu'on le peut en buvant plus que de raison, pour passer la saveur rance des efforts vains pour être convenables. C'était sans doute sa patronne qui s'était arrangée pour se faire représenter, soit qu'elle avait quelques personnes à distraire, soit par simple appât du gain. Cette femme avait une soif inextinguible.

La réplique au propos de "ces gens-là" lui tinta aux oreilles à rebours et quelques bruits de succion lui revirent à l'esprit. Elle passa vivement un index sur son lobe pour passer sa nervosité montante, faisant face au vendeur de nouveau.

Qu'en dites-vous ? Est-ce que je serais crédible en princesse empoisonnée ?

Elle maquilla ses lèvres d'un nouveau sourire, relevant légèrement le visage pour présenter une expression joueuse, encore assez innocente pour faire passer le double-sens de sa dernière phrase pour un jeu de mot involontaire. Elle voulait voir s'il mordrait à l'hameçon, ou s'il était trop professionnel pour ça. Jouer un peu lui passait d'habitude les nerfs.

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Le vendeur écoutait avec attention les volontés de la demoiselle. Lorsqu’un client exprime ses désidératas, la compréhension globale ne tient parfois qu’à un seul mot.

Princesse de conte ? Blanche- Neige ? Non, il ne semble pas que ce dernier ait été loué, si mes souvenirs sont exacts le seul personnage de ce genre qui sera pour le moment présent au bal est Alice du pays des merveilles, mais vous pouvez vous rassurer, lorsque nous avons l’exclusivité en matière de couverture d’évènement, nous faisons toujours en sorte de ne pas louer deux costumes similaires pour éviter à nos clients la situation affreusement gênante de se retrouver affublé d’un double…

Mais le meilleur moyen de savoir si vous serez crédible en princesse sur le point d’être empoisonnée est encore de vous montrer les costumes et de vous les faire essayer, qu’en dites-vous ?

Sans même attendre la réponse, Flavio fila à toute vitesse rejoindre ses meilleurs amis : les costumes.
Il y avait une attitude chez cette jeune fille qui le mettait assez mal à l’aise, un je-ne-sais-quoi de dédaigneux saupoudré d’un soupçon de petite fille gâtée… Au final le rôle de la princesse lui irait certainement à ravir, bien qu’il la voit plus en Blanche Neige version du clip de Rammstein plutôt que celle de Disney.

Il revint rapidement déposer un vieux porte-manteau en bois devant sa cliente, puis repartit de nouveau explorer les portiques pour revenir avec deux tenues pendant sur cintre qu’il suspendit devant la demoiselle.

Voici, nous pouvons vous proposer deux versions du costume de Blanche-Neige : le premier est une reproduction fidèle du célèbre dessin animé, qui est constitué d’un haut en toile de coton et satin ainsi que d’un grand col amidonné, et d’une jupe et d’une cape en velours. Nous avons également en réserve le serre-tête à petit nœud rouge qui va avec.

La seconde tenue est une interprétation maison du récit original de Grimm composée d’un bustier lacé en velours rouge, d’une chemise à manches bouffantes en satin blanc et rouge pour le haut. Le bas quant à lui est fait d’un jupon en soie sauvage blanche et d’une surjupe en velours rouge ouverte sur le devant.

Voilà, est-ce que l’un des deux serait susceptible de vous convenir ? Sachant que la pomme et les nains ne sont fournis pour aucune des deux, se risqua-t-il prudemment à plaisanter pour se détendre lui-même.

Il planait loin au dessus des sourires et du charme tout autant que des jeux de mots. Décevant. Il était peut-être de la jaquette, après tout, ça ne serait pas tellement étonnant de la part d'un homme qui brassait la dentelle à longueur de temps. Elle haussa une épaule, redressa le pull tombant qui lui glissait sur le bras de part le mouvement et s'approcha des costumes présentés, frôlant le premier pour y donner un coup d'index un peu sec la seconde suivante.

Hm... Non, pas celui-là. Il se reconnait très vite, mais il est vraiment trop convenu.

Et beaucoup trop sage. Elle avait bien envie de faire fraîche, mais elle ne voulait n'avoir ni l'allure d'une gosse, ni celle d'une petite bourgeoise coincée. Et ce petit nœud... C'était hors de question. Elle se tourna vers l'autre, saisit les manches dans ses mains pour mieux le voir, penchant la tête de côté. Elle pressa du pouce la soie contre sa paume, les yeux perdus sur le bustier.

C'est doux. Ça doit être agréable à porter. Vous avez quelque chose pour la tête avec celui-là ?

Elle reposa ses yeux clairs sur Flavio et se dit qu'elle était peut-être un peu trop sévère avec quelqu'un qui, après tout, l'avait d'ores et déjà rassurée au propos d'un éventuel doublon qui aurait pu changer la soirée costumée en murder-party. Une Blanche-Neige en assassinant une autre à coups d’extincteur dans un recoin de théâtre serait du plus mauvais goût. Elle sourit, à l'image ou au vendeur, et souffla sur un ton qui se voulait un peu plus chaleureux.

Je me débrouillerai pour la pomme, ça devrait être un bon indice pour deviner qui j'incarne, mais... Si vous avez sept clients qui ne parviennent pas à choisir, vous aurez une petite suggestion à leur faire, n'est-ce pas ?

Elle décrocha la robe du cintre avec une précaution soigneuse, la levant pour en admirer la longueur. Pensive, elle murmura sur un ton où pointait peut-être une touche d'admiration timide.

Maison, vous dites ? Ils sont assemblés par vos soins ?

Elle tourna la manche pour observer les coutures, discrètement. Un beau travail.

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Milie continuait de regarder avec délices tout autour d'elle, les yeux brillants et un sourire illuminant son charmant minois. Elle ne sembla pas réaliser que ses divagations laissaient la vendeuse quelque peu pantoise et ne reporta son attention sur elle qu'à la mention des froufrous.

Elle pointa alors le doigt vers elle en hochant la tête.

"Exaaactement ! Vous m'avez parfaitement comprise ! Comme c'est agréable de se sentir écoutée, un plaisir de plus dans cet endroit merveilleux !"

Elle l'écouta avec une attention peu coutume décrire les différentes options, opinant de la tête à chacune de ses paroles, son visage empli d'une intense réflexion.

" Et bien... bien que la danseuse de cancan me plaise fortement, des froufrous et un coté sexy non négligeable... la pensée d'être déguisée en courtisane ou en Marie-Antoinette est tout bonnement..."

Elle laissa échapper un petit soupir, imaginant l'espace d'un instant que si elle avait été un homme, elle aurait eu besoin de recourir à une bonne dose de priligy afin de se contenir et de pouvoir garder un certain sang-froid.

" ... jouissive ! N'ayons pas peur des mots après tout !"

Elle tourna sur elle-même, imaginant une crinoline tournoyer tout autour d'elle puis s'arrêta de nouveau face à Ottavia, en papillonnant des yeux, ayant visiblement quelque peu perdu l'équilibre.

" Mes aïeux... j'en suis toute tourneboulée... Alors... vous pensez quoi ? Autant viser ce qu'il y a de mieux avec Marie Antoinette non ? Tant que je ne perds pas la tête à mon tour..."

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Flavio attendait sagement les commentaires de sa cliente, espérant qu’au moins l’un des deux pourrait lui convenir. Non pas que ça l’aurait dérangé de déballer la boutique entière, cela faisait partie du travail, mais c’était toujours un peu décevant de s’apercevoir que son ouvrage n’avait pas été jugé suffisamment réussi pour être porté.

Heureusement, pour le moment la version Grimm semblait trouver grâce à ses yeux.
Non, ce costume n’a rien de défini pour la tête car dans les illustrations classiques de ce conte la princesse a souvent les cheveux simplement lâchés ou bien alors tressés en couronne… Ceci dit nous possédons quelques accessoires, donc si vous souhaitez agrémenter votre coiffure de rubans, d’une couronne de fleurs voire même d’une tiare, nous avons ceci en stock.

Le jeune homme marqua une pause, songeant à ce qu’il pourrait bien proposer d’autre. Non, une jeune fille cloîtrée dans son château par sa belle-mère, abandonnée les bois et occupée à faire la lessive de 7 hommes ne devait décidément pas beaucoup se soucier de sa mise en plis.

Les paroles de sa cliente le tirèrent bien vite de sa réflexion capillaire :
C’est exact, la quasi intégralité de ces costumes a été réalisée par ma sœur et par moi-même, mais nous descendons d’une longue lignée d’artisans costumiers, nous sommes donc plus ou moins nés avec une aiguille à la main…

Certains exemplaires sont issus du stock de nos parents et nous sous-traitons pour tout ce concerne les chaussures, chapeaux et certaines pièces spécifiques de cuir ou de métal qui nécessitent un savoir-faire et un outillage particulier, mais pour le reste c’est entièrement conçu et cousu par la maison avec amour, ce qui fait que même si nous avions un bouquet de 7 hommes sans inspiration nous ne pourrions pas tous les costumer en petits nains des bois, car nous réalisons rarement plusieurs tenues similaires car la reproduction est affreusement monotone quand on a l’habitude de créer…

Bon, c’était pas le tout mais le temps passait et il racontait sa vie, il était temps de cesser l’intermède tasse de thé et de retourner au sujet principal : le costume.
Mais je m’égare, revenons à nos moutons : peut-être aimeriez-vous essayer cette robe et voir ce qu’elle donne sur vous ? fit-il en désignant le paravent d’essayage qui se trouvait au fond de l’échoppe.

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Ottavia était ravie de l’enthousiasme de sa cliente : il était si rare de voir des yeux d’adulte briller comme ceux d’un enfant, alors que c’était l’essence même de leur métier, créer l’émerveillement. Malheureusement, en grandissant les adultes avaient tendance à perdre cette part de rêve et à devenir affreusement pragmatiques : le costume ne serait que pour une parenthèse d’une soirée, ils retourneraient juste après affronter les soucis du quotidien…
Bref, cette jeune fille, bien qu’un brin fantasque était en réalité une vraie bouffée d’oxygène.

N’ayez pas peur, votre tête ne risque rien tant que vous ne prononcez pas le mot « brioche », s’amusa la costumière. Suivez-moi, je vais vous montrer les robes.

Les tenues de Marie-Antoinette faisaient partie des plus volumineuses, elles avaient donc un portique rien que pour elles avec les autres robes de cette époque. Elle tassa les autres robes à une extrémité du portique pour laisser la place à trois tenues, qu’elle étoffa un peu en les tapotant pour leur rendre un peu de leur volume.

Voici la plus sage, fit-elle en décrochant le premier cintre, mettant en évidence une robe à imprimé fleuri, soie jaune et petit nœud. Cela ressemble à ce que la reine portait tous les jours, la robe est donc assez légère avec seulement deux épaisseurs au niveau de la jupe et un volume raisonnable.

Elle raccrocha le cintre pour sortir la deuxième robe :
Pour celle-ci il faut faire un petit effort d’imagination, car pour le moment le bas ressemble à un gros tas de chiffon mais il faut le visualiser avec des arceaux qui vont rendre la tenue bien plus bouffante… Il s’agit d’une robe inspirée des tenues officielles de la reine, qu’elle portait généralement dans l’exercice de ses fonctions royales, comme recevoir une visite de notables étrangers, bref lorsqu’elle devait à la fois se montrer sophistiquée et raffinée. La robe n’est pas très pratique à manœuvrer car une fois installée elle est assez volumineuse, mais l’étoffe est assez légère donc agréable à porter.

Deuxième cintre raccroché au profit du troisième :
Voici pour finir une robe inspirée des tenues de bal de la reine. Là encore il faut la visualiser soutenue par des arceaux, car il s’agit également d’une robe très volumineuse avec des froufrous un peu partout et de grandes manches bouffantes.
La robe, en soie parme, était brodée un peu partout de perles et de brillants et avait le buste orné de chaines scintillantes, comme si on avait cousu une parure de diamants directement sur le tissu.
Bien entendu, cette robe n’est pas non plus très pratique ni très confortable, car elle prend beaucoup de place, ce qui rend le simple fait de prendre un petit four assez périlleux puisque réussir à approcher le buffet sans faire tremper sa manche dans un saladier devient un acte digne d’une tactique militaire, mais après tout ne dit-on pas qu’il faut souffrir pour être belle ?

C’est à vous de voir l’aspect que vous souhaitez privilégier : la praticité ou l’ostentation, il faut choisir.

Pensivement, elle reposa la robe sur son support et souleva deux grosses mèches à ses tempes, pour les faire se rejoindre derrière sa tête, le visage neutre et pensif durant quelques secondes. Elle regardait droit devant elle et ne semblait pas avoir chercher de miroir ; au terme de son étrange introspection, elle hocha la tête, laissant ses mèches rebondir sur ses épaules.

Vous avez raison, un simple ruban et deux tresses iront très bien. Vous auriez bien un ruban du même velours ?

Ils devaient sans doute avoir des chutes de tissus et de quoi en bricoler un petit quelque chose et, à la lumière des propos du vendeur - Et artiste ! - elle ne doutait pas que ce soit déjà fait. Lui et sa sœur, donc, tenaient boutique, ils n'avaient pas l'air trop âgés ni trop dentus. Ils étaient peut-être orphelins, qui sait. Ses lèvres se parèrent d'un sourire plus grand alors qu'il s'épanchait et elle désigna l'ensemble de la boutique d'un geste ample.

Vous devez être fier en voyant tout ce que vous avez fait. Vous pourriez, en tous cas. Et, hm, il me semblait que dans les images, ils n'étaient pas tous vêtus de la même façon, si ? Bon. Je les trouverai sous la pomme.

Elle ajouta un très léger rire à sa toute petite blague, destinée à lui accorder une atmosphère plus détendue. Elle reprit la robe, une main au cintre, l'autre à la taille, un peu comme une partenaire de danse. Elle l'avisa une seconde encore avant de perdre son sourire rêveur et d'aller assez vivement derrière le paravent. Elle accrocha le cintre sur son rebord en hauteur, tira de sa poche de jean un élastique tout simple pour attacher ses cheveux sans grande recherche, avant de retirer pull, débardeur et, après une hésitation brève, son soutien-gorge. Les bretelles apparentes ne rendraient pas terriblement bien au dessus d'un bustier pareil. Elle retira ses chaussures en marchant sur ses talons l'un après l'autre et laissa choir son pantalon juste derrière.

En simple culotte - Pour les curieux, elle était de dentelle blanche avec une petite rose rouge au dessus des reins - elle revint au tissu et détacha d'abord du cintre le jupon, qu'elle passa par le haut pour ne pas le laisser trainer à terre, non sans en avoir examiné les attaches pour ne pas risquer de tirer trop sur un mauvais fil. Elle avait, après tout, l'habitude des bustiers et des jupes recherchées et certains vêtements étaient aussi beau que fragiles. Heureusement, son métier lui avait enseigné une certaine expertise en... Enfilage et déshabillage. Elle toussa le bref rire qui lui vint à ses pensées et, une fois le jupon assujettit à ses hanches, passa la chemise, laissant pour l'instant le bustier reposer en équilibre. Elle ferma convenablement, passa la surjupe et la plaça bien droite, lissant les rebords, surveillant le tombé sur ses chevilles. Enfin, bustier en mains, elle sortit de son couvert pour qu'il l'aide à le lasser, le passant au dessus de ses épaules avec une dextérité trahissant son expérience en lacets et corsages. Cherchant cette fois un miroir des yeux, tout en ajustant les manches à peu près, elle souffla.

Par curiosité, vous faites parfois autre chose que des costumes ? C'est-à-dire, des robes présentées sur patron, ou des créations sans thèmes particuliers ?

Elle tira légèrement sur le bas du bustier, espérant qu'il serait assez étroit pour mettre en valeur sa taille - princesse, certes, mais beauté désirable avant tout. Il ne fallait pas perdre une occasion de fasciner.

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Milie était entrée dans un cercle vicieux des plus agréables. Sa joie de vivre et son enthousiasme faisaient plaisir à la vendeuse et elle-même se sentait toujours portée et pleine d'une humeur splendide lorsque quelqu'un semblait l'apprécier à sa juste valeur. Elle lui décocha un sourire enjôleur, de ceux qui, il fallait se l'avouer, avait tendance à lui faire gagner assez rapidement les faveurs d'un interlocuteur hésitant.

"Oh quel dommage, moi qui adooore manger de la brioche ! Et j'adore ce mot, je trouve qu'il renvoie de lui-même à la part de gourmandise que nous avons en chacun de nous. Il est doux, rond, moelleux... C'est vrai qu'il a de quoi faire perdre la tête !"

Elle suivit donc Ottavia d'un pas dansant, s'émerveillant à chaque fois que ses yeux rencontraient une nouvelle dentelle, un splendide petit mouchoir ourlé. Elle poussait des petits cris de joie, les mains serrées l'une contre l'autre mais lorsqu'elle remarqua les robes qu'on lui destinait, elle resta un instant sans voix, la bouche légèrement entrouverte.

Reprenant tout de même ses esprits à la vitesse de l'éclair, il ne fallait après tout pas perdre une miette du spectacle dans lequel elle aurait bientôt le rôle phare, elle ne jeta qu'un bref regard à la robe fleurie et elle secoua la tête avec un sourire. Pas assez... ostentatoire.

"Malgré le soin et le raffinement de cette tenue, je pense qu'elle ne serait pas du plus grand effet lors de cette soirée. Mais le travail réalisé dessus est tout bonnement impressionnant. Elle aurait été d'époque que je n'aurais pas été surprise ! Vous avez des doigts de fée ma bonne amie !"

Son regard se mit à briller tandis que la vendeuse décrochait la deuxième robe. Elle se voyait tout de suite plus dans cette robe majestueuse et élégante, dont la traine en aurait fait pâlir plus d'une. Pourtant, il manquait quelque chose à cette tenue et elle se contenta de secouer la tête, d'un air rêveur tandis qu'Ottavia lui montrait la dernière robe.

Un sourire de ravissement illumina alors son visage, un vrai sourire de petite fille, sans artifice ni calcul tandis qu'elle battait de nouveau des mains en sautillant sur place.

"Oh elle est... je n'ai pas de mot assez juste pour vous dire tout ce qu'elle est pour moi ! Au diable la praticité ou ce genre de chose terre à terre qui n'a pas le moindre intérêt ! Après tout, on ne vit qu'une fois n'est ce pas ? Et si je ne peux pas aller me servir moi-même au buffet, je trouverais bien un galant pour s'en charger pour moi vous ne croyez pas ?"

En un instant, elle avait retrouvé sa verve habituelle, le contraire eut été fort étonnant et surtout très inhabituel, mais son air de petite fille ravie ne la quittait pas tandis qu'elle tournait autour de la tenue, la regardant avec ce qui ressemblait à de l'adoration.

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Un ruban de la même couleur ? Si, très certainement, répondit-il en grimaçant à l’idée de devoir chercher quelque chose dans « la boîte à rubans », une sorte de boîte à biscuits en métal dans laquelle ils rangeaient en boutique toutes les fins de rouleaux de rubans afin de toujours avoir des échantillons en boutique, mais qui ressemblait du coup à un plat de spaghettis trop cuits qu’il faudrait démêler un par un…

Il passa tout le temps nécessaire à la demoiselle pour se changer à se lamenter intérieurement sur cette histoire, mais se concentra rapidement sur le laçage du bustier qui l’attendait. Il s’empressa d’aider à sa cliente à le lacer correctement, tirant sur les laçages d’un geste aussi sur et précis qu’il était impitoyable : la Blanche Neige n’avait pas intérêt à être une fillette, les bustiers étaient faits pour être portés ajustés, tant pis si la demoiselle qui était dessous avait besoin de plus respirer ou de s’enfiler un copieux plat de lasagnes. Le bustier avant tout.

Une fois qu’il eût fini, il arrangea les plis de la surjupe coincés sous le bustier pour obtenir un tombé parfait et tapota vaguement les manches.
Faire autre chose que des costumes ? Cela nous arrive rarement, car la création de nouveaux modèle et la restauration des anciens nous prend un temps certain. Il nous arrive parfois que des personnes fortunées nous commandent des tenues spécifiques à réaliser sur-mesure, que ce soit pour un bal costumé ou tout simplement parce que leurs goûts vestimentaires sont restés ancrés dans une certaine époque, mais nous ne faisons pas de tenues contemporaines, notre clientèle a des exigences précises et notre savoir-faire a un coût certain que seuls les connaisseurs acceptent de financer ! conclut-il en levant les mains.

Plutôt pas mal, qu’en dites-vous ? Prête à siffler en travaillant avec les petits oiseaux ?

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Malgré son apparente désinvolture et son côté léger, la jeune fille exposa son opinion sur la première tenue d’une façon très diplomate, ce qui amusa beaucoup Ottavia.
Nul besoin de prendre autant de pincettes avec elle, elle ne serait pas personnellement vexée si on lui disait qu’un costume ne correspondait pas à ses attentes. Sa réaction devant la robe version strass et paillettes était à l’image du reste, enthousiaste et totalement haut perché, telle Cendrillon découvrant la robe de marraine la fée pour le bal.

Ne vous en faites pas, nul doute que vous trouverez un chevalier servant pour vous aider à accomplir votre quête de petits-fours ! s’amusa-t-elle. Visiblement, le choix de la demoiselle était fixé, mais la cabine d’essayage était présentement occupée ? Qu’à cela ne tienne, elle avait un petit test avant de passer derrière le paravent.

Malgré tout, avant que vous n’essayiez la robe, je souhaiterais vous donner une idée du volume que cette dernière prendra, fit-elle en s’éloignant pour aller fouiller derrière un portique et en ressortir une sorte d’étrange disque en métal tout plat qu’elle déplia de façon télescopique pour donner une sorte de cage en forme de cône d’un bon mètre cinquante de diamètre sur son extrémité la plus large. La partie haute et fine se terminait par un laçage que la costumière défit à son cran le plus large.

Allez hop mademoiselle, on lève les bras bien hauts et on se laisse mettre en cage ! fit-elle en réaplatissant sa crinoline afin de la passer autour de la taille de la futur reine.

Gaelle étira le cou et ouvrit les bras pour le laisser lacer. Un bref soupir et deux ou trois hoquets accompagnèrent le labeur car, bien qu'elle soit accoutumée à se ceindre, elle avait peut-être tendance à être moins sévère. A croire qu'il se défoulait de quelque frustration incongrue sur elle... Elle posa ses mains sur ses hanches, pour passa ses paumes à sa taille pour en apprécier le creux. Le léger éclat de colère indignée qu'elle avait pu avoir disparu derrière un sourire fier et satisfait. Il n'y avait pas à dire, c'était très bien souligné et si c'était bien un peu inconfortable, l'effet n'en serait que plus apprécié. Après tout, si ça lui faisait monter le rose aux joues, elle n'en aurait que l'air plus juvénile...

Toute à ses pensées, indifférente au silence qui s'installait, elle vérifia le bombé de sa poitrine, l'arc du col de la chemise. Elle ajusta le tissu un moment, ni trop haut, ce qui ferait prude, ni trop bas, ce qui ferait plus princesse des rues que d'un conte. Ce ne fut qu'une fois son équilibre parfait trouvé qu'elle retrouva son expression affable, comme on se serait revêtu d'un masque. Elle cilla le temps de se souvenir du point auquel la conversation s'était suspendue.

Oh, je vois. Oui, vous devez avoir beaucoup à faire, mais... Mettons que j'ai une idée de costume, de quelque chose de... Féérique. Un peu sombre. Et que je vous demandais une réalisation, est-ce que vous auriez une idée de prix ?

Évidemment, une fille qui venait simplement parée d'un jean ne devait pas avoir l'allure de ceux qui pouvaient se permettre ce genre de gourmandise, mais une gourmandise en matière de costume était un péché qui n'était pas de ceux que Gaelle dénigrait. Toutefois, elle se doutait que le vendeur allait la dissuader ou se cacher derrière quelques manières pour lui faire comprendre qu'elle n'avait pas le standing et ajouta d'un ton qu'elle cisela pour être à la fois léger et précieux.

Disons que j'ai un peu d'économies et qu'il y a longtemps que je rêve d'une fantaisie de... Qualité.

Elle tourna sur elle-même, fit un pas, puis quelques autres, esquissa quelques gestes dans son costume pour s'imaginer voguer au milieu de regards et de personnages. Elle lui refit face, joignant le bout de ses doigts devant sa gorge pour murmurer avec une innocence bifide.

Je pense être séduite, mais vous ? Me verriez-vous croquer la pomme ?

Elle tira sur un faux pli qu'un de ses mouvements avait fait, rejeta une mèche brune en arrière pour dégager une épaule. Rouge et blanc, ça l'inspirait. Encore faudrait-il qu'elle trouve un prince à sa hauteur. Ou un chasseur, qui sait.

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Milie continuait de couver la robe d'un regard amoureux tandis qu'elle écoutait Ottavia d'une oreille un peu distraite. Elle s'imaginait déjà en train de tourbillonner dans la salle de balle, à la recherche d'un chevalier servant des plus acceptables à qui elle ferait oublier la nature même de ses prestations.

"Je suis sure que cette soirée regorgera de charmants jeunes hommes... ou moins jeunes d'ailleurs, qui sauront apprécier cette tenue à leur juste valeur. Sinon ce ne seraient que des rustres sans cervelle et ils ne mériteront même pas que je leur jette un regard."

A la vue de la crinoline high tech que lui présenta la vendeuse, elle eut une mine approbatrice et leva les bras sans la moindre hésitation. Après tout, ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu'elle utiliserait ce genre d'accessoire et elle se doutait fort bien qu'elle n'en était qu'au début. Une telle robe ne se porterait pas sans corset et elle tenait absolument à mettre en valeur ses atouts de toutes les manières possibles.

"Et bien ma bonne amie, vous pourrez vous vanter d'être une des rares personnes à m'avoir proposé de me mettre en cage... et à avoir réussi sans me faire hésiter une seule seconde... Vous pourriez rendre plus d'un homme jaloux."

Elle esquissa un sourire pétillant de malice tandis qu'elle tournait légèrement sur elle-même, se représentant désormais un peu mieux le volume que prendrait la robe.

"Ma foi... ça me parait plutôt jouable. Tant que je peux encore passer par les portes, tout ira bien !Tient, à propos... vous comptez y assister également ? Au moins pour voir vos chefs d'oeuvre en action !"

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Le jeune costumier laissa sa cliente s’admirer sans broncher, se faisant presque transparent, car ce moment était un point crucial du processus : c’est là que la jeune fille s’approprierait ou non le personnage et par là même le costume qui allait avec.
Un peu anxieux au départ, car la demoiselle avait semblait avoir ses exigences, il se détendit peu à peu, remarquant sur son visage ce qu’il interprétait comme des signes de satisfaction.

Visiblement, c’était le cas, car elle lui parla ensuite d’un projet personnel à réaliser, ce qu’elle n’aurait pas fait si elle avait trouvé leur ouvrage minable. Il décida alors de jouer carte sur table :
Une idée de prix ? Je dois vous avouer que c’est impossible, car tout dépendra de l’ouvrage que vous souhaitez réaliser, des matériaux que vous choisirez, de la complexité des techniques qui influeront sur le prix de la main d’œuvre…. Vous imaginez bien qu’une toge antique en coton simplement brodée sur les extrémités ne coûtera pas le même prix qu’une robe de princesse en soie pure brodée de perles qui comprendra corset, crinoline et une quinzaine de jupons !
Sans avoir plus de précisions je dirais que le prix peut varier entre 500 et 5000 euros, voire plus… Le plus simple serait que vous nous exposiez votre projet en détail après le bal, en venant nous rapporter votre costume par exemple, nous pourrons ainsi y voir plus clair… Ou alors si vous souhaitez m’en parler maintenant pour avoir une idée plus précise du budget à y consacrer, je vous écoute.

Il n’était pas du genre à rechigner sur les commandes, mais avec le bal qui approchait et tous les invités à costumer, il ne voyait pas comment aborder un nouveau projet sans avoir le don d’ubiquité qui lui permettrait d’être à la fois en boutique et à l’atelier.

Le jeune homme observa ensuite sa cliente de pied en cap afin de pouvoir rendre son verdict sur le costume : il lui allait parfaitement bien et elle ferait une Blanche-Neige superbe.
Votre belle mère doit déjà se pâmer de jalousie, répondit-il en souriant. Comme la robe descend jusqu’au sol nous ne prévoyons habituellement pas de chaussures spécifiques car elles ne seront de toute façon pas visibles, avez-vous une idée de la hauteur de talons que vous comptez porter, afin que je sache s’il est nécessaire de retoucher la longueur ou non ?

Fatalement, des ballerines ou des Louboutins compensées ne nécessiteraient pas la même longueur de tissu, et avoir une robe feu au plancher ou ramasse-miettes n’était pas du plus bel effet.

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Je me doute bien que je rendrais plein d’homme jaloux, je vois des filles sublimes en petite tenue tous les jours ! plaisanta la costumière avant de se concentrer afin de n’éborgner personne et d’enfiler les arceaux sur sa cliente avant d’entreprendre de les lacer non sans mal car ils occupaient un certain volume qui obligeait à se pencher à tendre les bras pour réussir à atteindre la ceinture.

Alors, verdict, vous sentez-vous de manœuvrer un tel paquebot ? demanda-t-elle en se reculant afin que l’aspirante Marie-Antoinette puisse se faire une idée de la chose. Pour le bal je vous conseille de solliciter une âme charitable pour vous aider à vous habiller, c’est faisable en étant seule mais tellement plus simple en bénéficiant de l’aide d’une habilleuse comme à l’époque…

Elle marqua une pause, scrutant la disponibilité de la zone d’essayage avant de reprendre : Non, mon frère et moi n’assisterons pas au bal, c’est une habitude. Nous ne sommes que d’humbles prestataires de service, nous ne voudrions pas risquer de mettre certaines personnes mal à l’aise… En dehors de ceux qui ne souhaitent pas fricoter avec le petit personnel, certains n’apprécieraient pas de croiser ceux ont vu leurs sous-vêtement et leurs poignées d’amour… Mais nous récupérerons certainement de magnifiques photos qui nous permettrons d’avoir un aperçu de notre travail mis en situation !

Elle s'était laissée admirer en écartant les bras en ballerine. Son regard oscillait entre les détails des manches, les finesses des coutures et son étonnement de ne pas être gênées par elles, du moins aussi peu que possible, aux extrémités du corset. D'ordinaire, porter quelque chose qu'un peu ample par dessous un laçage donnait certes un bouffant inégalable en hauteur, mais par dessous, la chair était malmenée par le moindre pli et une couture un peu trop épaisse pouvait vite devenir un supplice. Sans compter que des marques rouges et irrégulières n'étaient pas du plus bel effet devant un client. Certains étaient plutôt excités par l'idée qu'elle garde quelques uns de ses vêtements, mais d'autres préféraient la dévoiler comme un cadeau et... Ça l'agaçait de ne pas paraître parfaite. Ou plutôt, ça l'agaçait de ne pas choisir ces défauts et elle n'aimait pas celui-là.

Le talent avait l'air d'être de mise, ses quelques mimiques auraient du trahir des fils manquants ou de trop, mais rien n'avait craqué et rien ne la piquait. Celui qui organisait cette fête avait du goût, il fallait qu'elle sache qui, ne serait-ce que pour se figurer un but ou un vice. Elle réajusta une fois encore sa chevelure pour dégager tous les petits cheveux pris encore dans la chemise en son dos et considéra longuement les propos de Flavio. Les joues un peu rosies, elle lui sourit plus largement qu’auparavant, le trouvant brutalement plus sympathique alors qu'il lui proposait d'évoquer ses quelques idées aussitôt. Cinq mille euros ? C'était un sacré investissement, mais si elle faisait quelques heures supplémentaires et savait trouver de bons clients...

Ah, oui, évidemment, mais rassurez-vous, je ne voulais pas de la tulle d'Italie brodée de perles et d'ambre. Non, l'idée est... Presque simple, mais beaucoup trop complexe pour que j'imagine seulement la faire sans que ça paraisse ridicule, ni que je puisse espérer la trouver en commerce. Au juste, ce serait un bustier assez haut, victorien, plutôt simple en dehors de sa coupe. Je voyais un velours noir, plutôt mat, avec une broderie asymétrique, dans des tons bleu-vert. Un collier assorti, assez épais, raz de cou, avec un rappel de la broderie. Il faudra peut-être le renforcer, puisque je voudrais qu'il puisse supporter de la tulle très longue, mais très légère, quelques fragments bleus, d'autres noirs, pour faire un moiré rappelant un papillon. Vous voyez ? Pour la jupe... Je ne suis pas arrêtée. Peut-être simplement un satin mat comme base à d'autres fragments de tulle plus amples et moins découpés, avec quelques rappels de broderie, encore, pour l'ensemble, mais moins soutenues. C'est surtout pour le collier que j'aurais besoin de l'avis d'un expert. La tulle me semble assez légère pour ne pas m'étrangler, mais il ne faudra pas qu'il bouge ou que ça devienne trop pénible.

Elle avait trop parlé et la vie à ses joues s'était faite pétillante. Elle avait l'air beaucoup plus vivante en cet instant, souriante, les yeux illuminés. Elle eut même une petite moue timide avant d'ajouter.

Si ça se trouve, cette fantaisie est totalement ridicule et irréalisable.

Baissant les yeux vers ses chevilles, à la fois pour cacher cette rougeur qui la découvrait trop et passer ce petit éclat d'humeur si positive qu'elle lui était presque bizarre à ressentir, elle mima quelques pas, réfléchissant à sa garde-robe et à ce qu'elle pourrait porter. Elle avait bien des souliers rouges qui ne feraient pas trop tache s'ils s’entrapercevait au décours d'une danse ou d'un autre costumé venant accrocher ses jupons. Des talons modérés, ce qui était plutôt adapté à une jolie courbure d'échine sans pour autant rendre la fin de soirée pénible ou faire enfler, au sens strict, les chevilles. Elle se hissa sur le bout des pieds en demi-pointe, ses mains ajustant les jupons et en vérifiant le tombé d'un œil critique.

Quelque chose à cette hauteur à peu près. Ça devrait être bien pour la longueur, ou alors, vous en êtes pour un demi centimètre... Je compenserai en serrant bien le jupon à la taille, ça fera parfaitement l'affaire.

Oh, un peu de gentillesse et de prévenance dans ce monde de brutes... Attention, Gaelle, tu vas devoir boire ton venin toute la soirée suivante à force de ne pas le cracher, se dit-elle, sans parvenir encore à écorner son propre enthousiasme.

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Les bras levés, tandis qu'elle se laissait arnacher sans rechigner, la jeune femme réprima un gloussement.

" Oh vous devez aussi rendre bien des femmes jalouses vous savez. Elles qui aiment tellement souvent se comparer entre elle, vous êtes aux premières loges pour leur dire qui serait la plus belle ou si leur pire ennemie a bien de la cellulite aux endroits stratégiques ! Quel beau métier que vous faites quand j'y pense ! La journée plongée dans les tissus les plus doux et les plus fins qui soient ! Ca vaut bien le prix des quelques commérages que vous devez entendre après tout ! On a rien sans rien !"

Un nouveau tour sur elle-même, se dandinant sur place et elle hocha la tête en direction d'Ottavia.

" Oh j'ai déjà du manœuvrer de plus gros bateaux vous savez ! En matière de mode, il n'existe pas de défi que je n'ose relever ! Et celui-là promet d'être fort agréable qui plus est ! En tout cas, à défaut d'une âme charitable, je pense qu'un joli billet devrait fortement motiver une jeune personne à m'aider dans mon entreprise..."

Aux propos de la vendeuse, Milie resta un instant songeuse, instant relativement bref mais assez peu habituel pour ne pas passer inaperçu.

" C'est drôle cette pudeur et cette facilité qu'ont les gens à ne pas se sentir à l'aise. Après tout, vous êtes là pour les embellir, vos costumes sont sensés sublimer leur personnage, ils ne devraient pas se sentir gênés face à vous, bien au contraire... Enfin, c'est bien dommage."

Elle secoua alors brusquement la tête, perdant son air songeur aussi vite qu'il était apparu et tourna une dernière fois sur elle-même avant de soupirer de plaisir. Décidément, elle était aux anges aujourd'hui, rien ne saurait gâcher son humeur ne serait-ce qu'un bref instant.

" Attention, si la zone d'essayage n'est toujours pas libre, je vais finir par créer un mini scandale en me promenant les fesses à l'air dans votre respectable établissement tant j'ai hâte d'essayer votre chef d'oeuvre !"

Un sourire malicieux et elle se pencha vers Ottavia, faisant basculer légèrement les cerceaux.

" Je plaisante, j'ai une splendide petite culotte, l'honneur restera sauf !"

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