Gianna Giacometti

Je suis une femme que l’on pourrait qualifier de corpulence et de taille moyenne, dans le mètre soixante-dix et la chair qu’il faut pour entourer toute cette carcasse.
Mes cheveux sont longs, et à ce qu’on m’a dit, ils sont roux de nuance acajou ou auburn selon la saison et l’exactitude du regard de celui qui m’observe. Mon teint a toujours été très pâle, et l’expression de mon visage très douce, de telle sorte que l’on m’a toujours comparée aux madones qui ont été peinte par Botticelli, à une nuance près cependant : mes yeux sont blancs.
Anomalie génétique de naissance, ma cornée est dépourvue d’iris, de pupilles, bref de tout ce qui est censé orner celle du commun des mortels, me rendant par là même aveugle.

Je ne saurais exactement vous dire à quoi ressemble mon style vestimentaire, étant donné que j’ai toujours laissé aux autres le soin de garnir ma garde robe : lorsque je porte les vêtements qui ont été choisis par ma chère mère, mon style est plutôt féminin et élégant avec de longues robes vaporeuses un brin rétro dans des matières nobles. Les vêtements choisis par mon frère en revanche sont plus près du corps et plus actuels, jeans serrés, blousons de cuir et talons hauts, bref, la panoplie de la petite femme actuelle un brin racoleuse.

Que dire d’autre ? Je ne me maquille jamais car je n’en ai jamais ressenti le besoin ni même compris le but, et ne me parfume jamais non plus, car les odeurs fortes portées à même la peau m’écœurent vite.

Mon physique sous forme de lycan ? Nul ne le sait, car ceux qui l’ont vu ne sont plus là pour le décrire. Vous le montrer ? Je devrais vous tuer ensuite…

Comme je l’ai déjà précisé, je suis aveugle de naissance. J’ai donc développé au cours de ma vie tous mes autres sens : mon ouïe perfectionnée me permet d’ailleurs d’être une organiste hors-pair, mon odorat et mon goût exacerbés me rendent très exigeante et mon touché affuté me permet de déceler la plus petite irrégularité sur une surface, même imperceptible pour les voyants.
Ma lycanthropie a eu tendance à amplifier ce phénomène, transformant mon ancien handicap en atout.
Certes, je ne peux toujours pas vous dire si ma chemise est assortie à mes chaussures, mais en me reposant sur les sens auxquels les voyants prêtent habituellement peu d’attention je suis bien plus consciente de mon environnement. N’envisagez même pas de vous frotter à moi en pleine nuit, vous ne réussiriez même pas à m’atteindre que je vous aurais déjà tranché menu.

Mon caractère ? Que dire… Mon éducation a fait de moi une personne extrêmement droite, les mauvaises langues diront même rigide, mais il y a certaines valeurs avec lesquelles ont ne peut transiger.

Enfant, j’ai beaucoup été protégée par mon entourage, ce qui a fait de moi une petite fille craintive et peureuse, et ce jusqu’au jour de mon arrivée sur Galway. Autant vous dire que le choc a été rude !
Cette ville a mis bon nombre de mes convictions à rude épreuves : pourquoi le Seigneur avait-il pris l’âme de mon frère ? Pourquoi avait-il permis qu’une brute épaisse ne me transforme en bête au sein même de son église ? Autant de questions qui sont restées sans réponse, mais qui m’ont fait comprendre la chose suivante : Dieu n’est pas infaillible. Il s’est retrouvé dépassé par son œuvre, et incapable de contrôler les petits montres qu’il avait lâché a préféré se débrouiller tous seuls.
Peut-être récupère-t-il nos âmes après notre mort, mais une chose est désormais certaine : nous ne devons pas attendre une quelconque rédemption venant d’ailleurs, nous sommes acteurs de nos propres vie et si nous attendons benoitement que les choses aillent mieux, ça sera le chaos.

Les années peuvent sembler si longues, et si courtes à la fois…

Je suis née il y a de ça 28 ans dans une riche famille de vignobles à côté de Florence, en Italie, et la nature m’a offert le luxe de ne pas voir le jour seule : mon frère jumeau, Andrea, m’a accompagnée dans cette épreuve. Mon enfance fut douce et dorée, chouchoutée et surprotégée comme une fragile poupée de porcelaine qui risquait de se briser à tout instant. Tandis que mon frère vivait son aventureuse vie de jeune homme, je passais des heures studieuses dans mon académie religieuse pour jeunes filles, à réviser mon solfège ou bien à me promener avec mes chiens guides dans la roseraie que m’avait offerte mon père pour mes 5 ans.

L’existence s’écoulait paisiblement, lorsqu’une triste soirée vint briser ma vie : un officier de police venait de nous apprendre que mon frère était mort, sans doute violenté par une petite frappe locale. Certes, nous savions qu’il menait une vie dissolue entre l’alcool, les filles et l’argent facile, même si personne ne disait rien, car il fallait bien que « jeunesse se passe »… J’ai trainé de longues journées mon âme en peine, anéantie à l’état de serpillère alors que l’on venait de m’arracher une partie de mon cœur… Jusqu’à ce qu’un soir, un inconnu se jette sur moi alors que j’errais dans ma roseraie : mon frère, qui n’était pas mort, mais était devenu selon ses dires un vampire, une sorte de démon que notre éducation extrêmement pieuse ne nous avait jamais permis de considérer autrement que comme une créature de fiction, nous laissant ainsi totalement au dépourvu…

J’ai donc pris la décision de mentir à mes parents et, prétextant une retraite spirituelle en Irlande, j’ai posé mes bagages dans la ville de Galway, que mes recherches avaient nommée comme LA capitale en matière de créatures peu recommandables.
C’est ainsi que j’ai débarqué dans cette cité, jeune fille innocente et naïve, encadrée seulement de mes deux chiens, Razor et Hazel. J’ai longtemps cherché comment obtenir la rédemption de l’âme de mon frère, espérant le sortir de ce mauvais pas, mais mes rencontres me firent comprendre qu’il n’y avait pas de retour possible…
Je n’eut même pas le temps de me faire à cette idée, car un beau matin je me suis faite attaquer en plein milieu de mes prières par un lycan fou furieux : Frédéric Chastel, descendant direct de la bête du Gévaudan qui avait trouvé amusant de s’engendrer une « fille »

Ce tournant majeur remit toute mon existence en cause : moi, la bonne petite fille pieuse me retrouvait possédée par une sorte de démon qui pouvait prendre possession de mon corps pour se donner à des actes innommables… Cette période fut très éprouvante, heureusement pour moi j’avais mon bon ami Derek, spectre de Galway, pour me guider à travers ce chemin ténébreux dans lequel j’ai bien failli m’égarer.

Mais une fois encore, le sort allait décider de ne pas me laisser de répit, et alors que j’avais décidé de recommencer à prier afin de trouver la force d’affronter ma nouvelle condition il mit sur ma route une abjecte créature : le Baron Samedi, un spectre buveur d’âmes, rien que ça.
La lutte fut acharnée, et si la lumière divine allait venir m’éclairer en embrasant l’indélicat à l’aide d’un cierge, cette rencontre eut un effet secondaire inattendu : à force de s’agripper l’une à l’autre pour ne pas se faire aspirer, mes deux « âmes » avaient totalement fusionnées. Il n’y avait plus d’un côté Gianna l’humaine et Gianna la lycane, deux entités distinctes et profondément antagonistes, mais une seule, à mi-chemin entre les deux.

Ce nouveau retournement de situation fut un véritable choc, qui additionné avec la rencontre du Baron me secoua suffisamment pour me faire rendre les armes : la brebis égarée décida donc de rentrer au bercail.

J’y retrouvai avec bonheur mon frère, resté seul ce temps-là, et aussi mes parents avec beaucoup moins d’enthousiasme, car ces derniers, forts mécontents que je les ai dupés décidèrent de m’imposer un mariage forcé en représailles afin de « sauver l’honneur de la famille et de faire de moi une dame respectable ».

Toujours secouée, je me retrouvai donc mariée sans trop broncher à un notable ami de mon père, qui en plus d’être bien plus âgé que moi s’est avéré avoir un fort penchant pour la boisson et la main leste : j’ai pris sur moi un certain temps, prenant ces violences intimes pour une sorte de châtiment venant expier mes fautes.

Malheureusement, par une funeste nuit d’hiver, les brimades se firent plus violentes que de coutume et je dus riposter afin de ne pas y laisser ma vie : je venais de commettre mon premier homicide, qui n’allait pas tarder à être suivi de mon premier acte de cannibalisme puisque afin de couvrir ce meurtre, je l’ai mangé intégralement, sans en laisser une miette.

Afin de me sortir de cette sordide affaire, mon frère et moi décidâmes de retourner dans la seule patrie au monde capable d’accepter ce duo improbable et nous retournâmes à Galway, avec comme idée de nous y faire une place « au soleil », si je puis dire.
Mes connaissances en droit ainsi que ma parfaite maîtrise de ma lycanthropie me permirent de me faire nommer Gouverneur, un poste qui consistait principalement à rendre la justice dans cette ville, et pour m’aider dans cette tâche mon frère fut rapidement nommé commissaire.

Ensemble, nous avons pour mission de faire régner l’ordre dans la cité de Galway, convaincus qu’en y mettant du sien, humains, vampires et lycans pourraient parfaitement cohabiter ensemble au lieu de perdre une énergie inutile à se faire la guerre et à répandre le sang dans les rues de la ville.

Lutter contre le chaos ambiant, vaste programme n’est-il pas ?