C’est dans la rue qu’elle rencontra un ancien visiteur, qu’il lui semblait avoir vu souvent. Un bel homme, néanmoins assez commun, passe-partout, et dont elle oublia le visage après quelques mois de vie commune (alors qu'elle n'oublia jamais celui d'Ichabod). Il était soldat, de passage dans la ville pour une permission spéciale de deux ans, après quoi la ville ne devait plus jamais entendre parler de lui. Cette nuit-là, lorsqu'il croisa dans la rue cette jeune fille frêle qu'il avait observée tant de fois dans son aquarium de verre, il se dit que l'occasion était trop belle. Il lui offrit d’acheter son corps en échange d’un endroit où passer la nuit. Imogen, qui ne comprenait pas bien le sens d’une telle proposition, accepta. Ce n'était pas qu'il lui manquait un toit, non, car là où il y a la mer les ondins ne sont jamais abandonnés livrés à eux-mêmes. Ce fut plus par une vague curiosité qu'elle céda aux avances de l'officier.

Ce qu’elle découvrit ne fut rien d’autre que la fascination malsaine pour son corps d’un homme qui la considéraient au fond comme une oubliée de Dieu, attiré par le bizarre de sa nature comme par un phénomène masturbatoire nouveau. Les ondins, de part leur capacité à incarner des créatures que l'on avait longtemps tenues pour imaginaires, portant avec eux le mystère de la mer, exercaient naturellement un désir de possession chez certains êtres vils qui voyaient en eux des sortes d'animaux exotiques d'un genre particulier - à l'instar de cet officier sans scrupules. Pourtant, Imogen ne vécut pas mal cette première nuit (comme fille de joie d'une part, comme femme plus simplement). Elle ne connu aucune douleur notoire, c'est pourquoi elle fut la première surprise de découvrir qu’en se retirant l'homme la laissait toute imprégnée de sang. L’officier fit celui qui n’avait rien remarqué, elle en conclut que le phénomène était normal, et se prépara à saigner chaque nuit (ce qui n'arriva pas au demeurant). Elle demeura auprès de cet homme quelques six mois sans plus d'encombres, jusqu’à ce que, une nuit, un phénomène étrange se produise.

Surprise par une forme nouvelle de plaisir (Imogen avait fini par apprécier (mais consentir serait le terme plus juste) le sexe, sans plus, avec son nouvel amant), elle se mit à ruisseler abondamment à chaque pénétration, comme un glaçon fondant au soleil. Cette particularité physique, qu'elle mit spontanément sur le compte de sa propension naturelle à l'eau, qui suintait par tous les pores de sa peau si elle ne s'immergeait pas régulièrement, lui fit acquérir une nouvelle renommée, que son amant s’empressa de faire remonter jusqu’à la maison close de Galway, le Quality Street.

La rumeur amena Imogen à prendre connaissance d'un tout autre univers. On lui fit des propositions qu'elle ne put refuser, sous le joug de son amant qui se remplissait les poches à ses dépends. C'est ainsi que la jeune fille se mit à poser régulièrement pour des magazines underground adeptes d'érotisme sensationnel. Pour Imogen, être modèle de nu n’était qu’une version plus adulte du freak show auquel elle participait autrefois, les visteurs devenant des photographes ou des peintres dépravés, sobrement désignés sous le terme d'artistes. Elle n'eut à le faire que quelques fois tant son succès fut retentissant. En effet, on lui demandait bien évidemment d'être transformée au moment de la prestation. Ce qu’on lui réclamait de faire était, d'un certain point de vue tout à fait discutable par ailleurs mais acceptable selon elle, à peine différent en matière de spectacle et de divertissement. Il s'agissait de s'exposer, de s'exhiber. Et l'ondine se sentait très loin de toute préoccupation de pudeur.