Llylewin, Meluxine, Luc, Kain

Milicent, Meluxine, Kain, Llylewin

Luc Awel - Llylewin

Tamara, Charlie, Keith, Prof'

Pendant un certain temps, comme une mouche au bord d'un écran, comme un cil déclinant, comme la démangeaison d'une idée fugace, Emmy avait ressentie plus que vue les trépignements de sa soeur. Elle seule était à même d'interpréter les signes ésotériques qui émanaient à la fois de la structure nerveuse de celle-ci autant que de ses plus sourdes émotions. Et vice versa. Mais elle n'avait pas envie de partir. Elle s'amusait. Elle ne se sentait pas cerné comme Amy et, quelque part, elle tirait de cette différence de la culpabilité. La culpabilité de n'être pas en symbiose totale avec un être qu'elle considérait comme une nourriture indispensable à sa survie mentale. Comme si l'encéphale droit avait peur que ses connexions synaptiques fussent asymétriques par rapport au gauche. A ceci prêt que l'identité se substituait souvent à la symétrie. Amy partit, et elle se sentie cruellement punie. Le professeur, qui ne connaissait en rien la relation fusionnelle des jumelles, ne nota pas le caractère tout à fait exceptionnel de l'évènement, ce qui rassura Emmy au moins autant que cela la blessa.
"- Je crois que votre inséparable c’est séparer de vous l’espace d’un instant, cela risque de fortement nuire à cette partie de chasse.
- Vous voulez que je vous dise, moi je crois qu'elle est jalouse." Fut la seule défense, faible certes, qu'elle édifia à l'inquisition de ses sentiments, la moue contrarié d'une petite fille capricieuse tordant son ressentit vers l'insouciance.

Alors plutôt que se morfondre, elle fit tout pour oublier ses tracas. Tout d'abord, Charlie gagna une carte, ce qui plut particulièrement à Emmy. La mine de Keith, sincère dans sa consternation, sans rien perdre de sa galanterie. L'oiseau (Emmy) bascula légèrement son corps en arrière ; recul d'un rire pourtant de petit calibre, et bref. Elle s'amusait de voir cette situation, même si c'était un amusement compensatoire. Elle joignit ses paume sur sa poitrine et applaudit du bout de ses doigts.
"E : Bravo Charlie ! Il ne faut pas réveiller le tigre qui dort, on ne le dira jamais assez. Hihi."

C'est ce moment que choisit le professeur pour céder à un petit plaisir qui n'était pas la spécialité de la maison mais de son extérieur. Pour toute réponse, elle lui adressa un signe de tête illuminée du large sourire qu'avait provoqué la victoire de Charlie. Le professeur allait-il revenir ? Peut importe ; Emmy avait subrepticement glissé un carton d'invitation une de ses poches. En parlant de cartons, pourquoi Amy était-elle donc partie avec la carte ? Pourquoi était-elle donc partie ?

Après s'être entretenu brièvement en conciliabule avec Charlie, Keith vint à elle. Il lui offrit un verre, cependant, comme elle n'avait pas finit le sien, elle refusa poliment, tout du moins pour l'instant. Elle savait que c'était le genre de choses que Llylewin n'apprécierait guère (il ne fallait pas cracher sur la consommation d'un client), mais elle avait une image à conserver ; Emmy, comme sa soeur, de faible constitution, ne tenait pas très bien l'alcool.

"E : Et bien, voilà un bel arrangement : votre épaule contre ma science infuse. (elle eut un léger rire). Mais que voulez vous que je vous explique sur cet endroit ? Vous ne connaissez donc rien de la jungle ? Proies ; prédateurs ; instincts ; bas, bas instincts..." dit-elle, finissant sa phrase presque en un murmure, les yeux plissés d'un lynx à l'affût pour montrer qu'elle lisait en lui, la lèvre inférieure pincé pour montrer... Qu'elle lisait en lui.

Mais ce moment intense fut délicieusement interrompu (Emmy était de celles qui aimaient les petites frustrations en séduction) par Tamara qui décida de porter un toast. Elle leva son verre, mais ne but pas encore ; quelque chose la nouait, quelque chose lui faisait peur, elle sentait comme un voltage latent dans ses chairs lorsqu'elle expirait l'air. Peut être une absence, un manque.

Elle reporta son attention sur Keith, dont elle n'avait malgré elle pas vraiment comprit la requête. Était-elle volontairement brumeuse ? Une technique de séduction qu'elle connaissait bien et qui permettait, par le principe de large choix d'interprétations possibles, de découvrir ce que l'interlocuteur avait en tête en fonction de sa réponse, en fonction des mots qu'ils employait. Le léopard était-il de ces hommes là ?

En écoutant Keith, elle s'imagina le genre du vampire. Quelqu'un qui aimait entendre les choses que lui même se disait intérieurement. Il y avait bien des hommes dans cette catégorie. Après tout, les gens recherchaient toujours une certaine altérité dans leurs fantasmes, c'est ce qui les rendaient réels. Et le léopard (Keith) devait avoir envie d'écouter une voix féminine lui dépeindre ce lieu de débauche en action.
"E : Et bien cette jungle-ci est quelque peu différente des autres."

Elle marqua une pause, prenant la mine de celle qui réfléchit à ce qu'elle va dire, tandis que Keith commandait un cocktail qui trahit sa nature. Elle remarqua aussi le pourboire outrageusement généreux qu'il venait de déposer sur le zinc. Emmy n'eut pas besoin de jeter un coup d'oeil dessus ; elle était assez professionnelle pour reconnaître la valeur d'un billet à sa couleur et surtout pour sembler ne pas y avoir prêté attention. Elle fit directement la connexion avec ses derniers mots, ceux consistant en la possibilité de devenir un client occasionnel. Elle savait que si un client à la main aussi légère au porte-feuille devait consommer de la chair fraîche dans cette maison, elle avait tout intérêt à ce que les jumelles soient ses favorites ; et accessoirement que la patronne le sache.

"- Ça fait du bien. J'aurais dû me sustenter avant de venir. Mais l'appel de la jungle a été le plus fort et j'ai succombé à la tentation bien avant de vous voir mon petit oiseau.
- Peu importe, il y a bien des types de tentations dans lesquels je suis versé. Mais nous parlions des lieux il me semble.
Je crois que malgré le fait que je travail ici, vous ne vous adressez pas à la meilleure personne pour ce qui est des informations. Moi et ma soeur sommes ici depuis peu en vérité. Mais je peut déjà vous dire que la patronne est un serpent. Oh, pas au sens propre bien sûr. (elle jette un regard derrière elle) Un serpent que vous pourrez voir juste derrière moi. Quant aux filles, il me semble que nous sommes six au total, plus la belle effeuilleuse que vous venez de voir tout à leur, pour faire du bien aux yeux, notre barmaid, qui s'occupe de vos papilles, et Meluxine, qui assure votre tranquillité. (elle trempa ses lèvres dans son verre sans vraiment boire). Quant aux spécialités, sachez qu'il ne s'agit que de celles de nos invités et non des hôtes. Nous avons d'extraordinaires capacités... D'adaptation. (elle se pencha légèrement vers Keith) Alors, monsieur le léopard ; la vrai question ne serait-elle pas plutôt : qu'elle est votre spécialité ?"

Llylewin, Luc Awel

To the Batcav... Vers le Hall !

Llylewin - Luc Awel

Keith suivit Charlie, qui elle même mit les voiles. La désertion générale laissa les deux femmes seules. Emmy commençait à s'envoyer pensées irritantes, à se reprocher de ne pas avoir été capable de retenir les hommes, d'être inintéressante. Elle se gourmandait intérieurement et cruellement. Le moindre détail y passait : les mots qu'elle estimait ne pas avoir étés de adaptés à la situation, sa posture, le ton de sa voix, son attitude en général, et jusqu'à son physique. Une rage intérieure qui se déversait sur le seul objet qu'elle connaissait, une rage qui semblait sortir de nulle part, qui cherchait obstinément à se justifier, qui dissimulait son unique raison d'être, la rage de se sentir divisé. Comme si elle voulait à tout prix ne pas avouer que sa moitié lui manquait, comme si elle se refusait à admettre une dépendance aussi forte.

Elle but donc une gorgée, pensant que ça l'aiderait à faire passer la douleur de l'ablation. Ce ne fut pas le cas. Son estomac était toujours balloté, mais sa profession ne lui autorisait aucun relâchement. Elle même était là pour s'infliger une constante mise en garde contre les faiblesses du paraître. Ici résidait la claustrophobie de sa situation. Ça n'était pas qu'une simple absence ; c'était l'isolement du moi, la solitude dans ce monde d'hermétisme, dans ce monde où les humains tentaient désespérément de lire les uns dans les autres, qui lui portait. Elle se retrouvait face à face avec un océan de vertige, un vide, un néant, qui lui faisait peur. Elle avait cette sensation de chute lorsqu'elle s'imaginait comment les gens pouvaient vivre dans une telle solitude. Mais maintenant qu'elle l'expérimentait, elle était prise de panique. Une panique qu'elle arrivait toutefois parfaitement à contenir. Ce n'était pas la première fois qu'elles se séparaient. La distance s'était déjà immiscé entre leurs corps, qui avaient mal réagit aux vibrations du monde jusqu'à l'instant de la réunion. Un traumatisme se surajoutait toujours.

Mais Tamara était toujours là. Elle aussi paraissait seule dans ce monde. Les angoisses partagées avaient toujours ce quelque chose d'intéressant.
"- J'entendais que vous parliez de spécialité avec notre ami le léopard. Avez-vous déjà eu des demandes si particulières que vous ne n'avez pu les satisfaire ? L'homme est un animal bien spécial.
- E : Spécial, c'est peu de le dire ! Il y en a bien sûr dont on a dû se débarrasser. Certains avaient des fantasmes disons... Dangereux. L'avantage dans ce métier c'est qu'on finit par se permettre de choisir. Avec un peu de temps on ne côtoie plus que des gentlemen. Mais ça a parfois du bon d'être surprise (elle stoppe net sa parole puis, d'un rire bref) parfois seulement !"

Elle trempa de nouveau ses lèvres dans son verre avant de le poser sur le comptoir. Les doigts de sa main droite étaient engourdis par le froid. Elle marqua une pause. Son regard passa une fois de plus en revue la tenue de la paonne. Un geste si chaste, si technique ; un geste dénué de tout calcul. Emmy remarquait objectivement la beauté de son interlocutrice.
"E : Je suppose que vous n'avez pas réalisé d'enquête de terrain pour ce qui est ce genre de curiosité. Mais dites moi, sans vouloir paraître indiscrète, je trouve ça injuste sinon étonnant que vous ne soyez pas venue accompagné."

❤

Quelques temps plus tard, alors qu'elle écoutait Tamara, sans n'y presque plus penser, son cœur se mit à battre furieusement alors qu'elle entendit - et reconnu dans l'inextricable brouhaha de voix - le pépiement d'Amy qui revenait. Rien n'aurait su empêcher ce mouvement de tête. Les petites plumes savamment piquées dans la coiffure d'Emmy frémirent de surprise. Leur regards se croisèrent, amorce d'un sourire eudémonique, amorce d'un flot d'endorphine. Amy se sépara quelque peu de Gordon et de Charlie lorsque ceux-ci furent assez proche du bar pour s'installer confortablement sur les genoux de sa sœur. Elle prit une gorgé dans la boisson qui traînait à côté d'elle, avant de s'adresser à Tamara :
"A : Alors comme ça tout les autres se sont aussi volatilisés ? Ah, les hommes, tous les mêmes, ils vous quittent aussi vite qu'ils sont venu ! (une petite tape sur l'épaule d'Emmy du bout des doigts) On voit qui fait tout le boulot dans le tandem : il suffit que je te laisse deux minute et tu nous égards tout les mâles de la partie.
- E : Tu veux peut être qu'on aborde le sujet de la carte qui ne dépasse plus de ta robe et du fait que Charlie et Gordon en ont tout les deux une en plus ? Hum ?
- A : On va dire match nul ?
- E : Match nul."

Et le match fut célébré par un baiser fugace.