Pyro
Juliet Ahston

On ne peut qualifier l’apparence de Pyro de banale. Son physique n’est certes pas remarquable mais ce serait une erreur de la comparer à tout un chacun. Il faut bien concéder qu’à l’heure actuelle, un mètre septante n’est plus une taille remarquable et que ses soixante-sept kilos ne lui confèrent pas une taille mannequin. Au moins ne pourra-t-on pas la qualifier d’anorexique. C’est un bon point.

Des yeux marron, des cheveux châtains, là encore, elle ne se démarque pas vraiment. Il ne lui viendrait même jamais à l’idée de se les teindre et encore moins de s’amuser à porter des lentilles alors que sa vue est impeccable. Ça frôle la perte de temps et du temps, elle n’en perd que très rarement.

Ce qui la démarque, c’est ce look absolument hors de propos dans une société formatée dans un moule spécifique. Hors de ce format, elle l’est sans hésiter. Pantalons pincés, jupes de style victorien, long manteau cintré, chemise, corset, tout y passe. La seule chose qui ne change pas, un modèle de bottes en cuir noir ou marron avec d’interminables talons encerclés d’argent. Un haut de forme sur la tête où trône sans cesse une paire de lunettes qui ne relève absolument pas de la coquetterie mais bien d’un côté pratique. Elle pourrait les retirer de là mais ça lui demanderait un effort infime qu’elle n’a pas envie de fournis.

Bien entendu, elle ne se balade pas en permanence avec son masque autour du cou, ce serait un manque de discernement total. Son look attire déjà suffisamment le regard et pose assez d’interrogations comme ça.

Côté coquetterie parce qu’il en faut… Il y a son look bien évidement mais elle ne porte que de l’argent. Quand on travaille à la Steel Corp, on apprend à connaitre le monde qui nous entoure. Un peu de maquillage, marqué s’il vous plait. En matière de parfum en revanche, elle évite plus par nécessité que par envie. Quoi qu’il en soit, mieux vaut éviter de porter ce genre de chose quand on est prompt à déclencher des incendies. C’est une donnée supplémentaire dont elle se passe.

Pyro, on la croise et on s’en souvient.

Pyro est une incendiaire. Pas d’obsession clinique derrière tout ça, juste un don particulier et particulièrement dangereux quand on ne le contrôle pas. Là est d’ailleurs tout le problème, elle ne le contrôle pas au mieux.

En théorie, c’est très simple. L’émotion, le plus souvent la frustration, la colère ou la tristesse, voire plus rarement, une joie extrême, est le déclencheur. Elle touche ce qu’il faut enflammer et c’est bingo. Le feu prend, c’est tout feu tout flamme, c’est joli beau à regarder mais pas à toucher. Et mieux vaut ne pas rester à côté, l’incendie n’a rien d’imaginaire, il est bien réel.

En pratique, c’est autre chose. Les émotions, ça se contrôle difficilement et il n’est pas toujours simple de se contenir. Pensez donc à un jeune lycan. C’est pareil mais plus catastrophique si c’est mal contrôlé. Le lycan ne peut prendre en chasse qu’une personne. Pyro, elle, peut incendier un immeuble au grand complet. Elle doit donc fournir un énorme travail sur elle-même pour éviter de mettre le feu à tout et n’importe quoi et ce n’importe quand.

Heureusement pour elle, elle est parvenue à contrôler le gros de ses émotions. Ces petites émotions passagères et instantanées sans aucunes importances ne déclenchent plus le feu de sa passion. (Pas toujours du moins, soyons réaliste.) Si on parle de très fortes émotions, ça se complique. Il n’est pas sujet de contrariété ici, mais bel et bien du genre d’émotions qui vous font littéralement bouillir de rage. Les émotions qui vous feraient mettre vos poings dans un mur qui ne vous aurez rien fait.

En résumé, il y a des hauts et des bas. Il serait fort probable qu’une très bonne nouvelle lui fasse enflammer la table devant laquelle elle est assise ou encore dans le cas contraire qu’elle ne puisse pas déclencher l’incendie escompté. Son pouvoir relève cependant plus de la commande que de la roulette russe.

Bouter le feu à des objets, c’est encore relativement simple. Combustible, oxygène, chaleur et voilà mais quand il s’agit d’être humain, ça devient compliqué. L’être humain, créature ou non, ne brûlant pas facilement (vêtements non compris dans l’équation), s’en sortira avec de belles brûlures au second degré. Si les vêtements ont pris feu, c’est une autre histoire évidement, tout dépendra de la matière et encore une fois, du triangle du feu.

L’autre point intéressant dans cette histoire c’est que Pyro est insensible au feu. Pas de combinaison ignifugée anti-glamour à utiliser. Elle ne risquera jamais sa vie dans un incendie, elle en sortira toujours indemne. En revanche, si elle ne risque rien avec le feu, ça n’est pas le cas avec les fumées qui s’en dégage. Comme tout le monde, elle a besoin de respirer, le masque est donc de rigueur quand ses talents sont requis.

Comment vous expliquer ça clairement ? À 26 ans, on s’attend à ce que la personne ait une certaine maturité. Tout du moins un style de vie correct. Problème. Pyro n’est ni mature ni quelqu’un qui cherche à le devenir. Elle sait qui elle est, d’où elle vient et ne regrette absolument rien de ce qui lui est arrivé.

Elle ne se laisse pas abattre et fonce droit sur ses objectifs. Regarder en arrière ne sert strictement à rien à part vous ralentir et elle n’a pas besoin de ça. C’est une perte de temps et tous ceux qui la connaissent savent qu’elle n’aime pas perdre son temps sauf si vraiment, il n’y à rien à faire. L’inactivité la pèse tant et si bien qu’elle se propose souvent d’elle-même pour accomplir telle chose ou se renseigner sur telle personne. S’il faut passer le temps, autant le passer de façon utile. Et des choses à faire, à la Steel Corp, ça n’est certainement pas ce qui manque. L’adage « scout toujours prêt » s’appliquerait bien si seulement, elle n’avait pas trouvé ce genre d’association parfaitement ridicule.

Ceci nous amène à cela… Pyro est du genre à non seulement prendre la mission qui lui a été confiée avec enthousiasme mais aussi à la mener à bien quel que soit le risque. S’il s’agit de mettre le feu, elle est bien entendu toujours présente mais même pour autre chose, pas de souci.
Mais attention, qui veut dire volontaire et casse-cou ne veut pas dire parfaite idiote qui dit amen à tout. D’ailleurs, tout dépend de qui demande quoi et à quel moment. Car voyez vous, elle a un gros défaut, si quelque chose lui tente un jour, ça ne sera pas forcement le cas le jour suivant. Peut-être est-ce dû à son séjour en hôpital psychiatrique, peut-être pas mais il y a sans doute un lien de cause à effet. Avant cela, le problème ne se posait pas. Qui a dit que quelqu’un sain d’esprit pouvait devenir marteau en étant enfermé ? C’est à méditer.

Il est inutile de dire que quiconque l’approchera avec une seringue sans la prévenir risque de voir son mobilier réduit en cendre ou tout du moins calciné si l’incendie est arrêté à temps. Que voulez-vous, on finit par avoir un contact fâcheux avec le corps médical quand on a été enfermé à tort.

S’il y a autre chose à savoir c’est qu’elle aime s’amuser. Évidement, elle ne considère pas ça comme une perte de temps.

Tout ça est bien beau mais il reste encore deux ou trois choses importantes à connaître à son sujet. Elle n’a absolument pas honte de qui elle est et de ce qu’elle fait. Cependant, elle est intelligente et elle sait qu’il faut faire profil bas. Il faut savoir tromper pour gagner. Son exubérance pourrait laissé croire qu’elle est mauvaise actrice mais c’est faux. Fidèle envers elle-même et la Steel Corp, tous les moyens sont bons même s’il faut pour ça mettre le feu aux poudres.

« Impasse sera faite sur la naissance de Juliet. Simplement parce qu’une naissance est une naissance. Dans le flot constant, ça n’a aucun réel intérêt. Tout le monde se fiche de savoir à quelle heure elle est arrivée. (03h18 pour les personnes vraiment curieuses de tout est de rien.)
Il en sera de même pour ses premiers mots, que ce soit chien ou un truc qui ressemblait à oiseau, ça n’a aucune espèce d’importance. Zapping également sur les premiers pas et la chute sur les fesses qui s’en suivit.

La petite Juliet a 6 ans quand ses parents lui annoncent, très heureux, qu’ils vont déménager parce que papa a un meilleur travail. Sauf qu’elle a des amis ici et sa grande sœur de 10 ans en remet une couche. À cet âge-là, on préfère avoir un chien, on se fiche que papa a besoin d’un job. De toute façon, on a rien à dire. Avoir une grande sœur, c’est déjà pas drôle mais en plus ne plus connaître personne… Pfff, ça l’est encore moins.
À 8 ans, ça ne s’arrange pas vraiment. La grande sœur grandit encore et elle vous pourrit la vie un peu plus et papa et maman… Ils vous disent d’être gentille mais, c’est dur de s’adapter et depuis deux ans, vous restez la nouvelle parce que personne de nouveau n’est arrivé entre temps.
Ensuite, quand la grande sœur à 16 ou 17 ans, elle se souvient que vous existez mais vous ne voulez pas trop en entendre parler parce que c’est à votre tour d’aller avec les copines parce qu’enfin, ça y est, vous en avez. Les trucs en famille, c’est carrément nul. Heureusement, la grande sœur finit par s’occuper de son petit copain.
Et finalement, c’est vous qui atteignez les 17 ans. Vous avez fait votre crise d’ado, la famille prend un autre sens car au fond, vos parents, vous lez aimez bien, voter sœur aussi. Vous pouvez aller demander conseil pour savoir comment faire avec le vôtre de petit copain et puis, elle vous donne des combines pour faire le mur. C’est franchement cool. Par contre, les mecs deviennent des crétins dès qu’ils mettent un pied de travers. C’est normal, vous avez une sœur et vous vous soutenez. Les mecs c’est nul.

Joli tableau. … Jusqu’à la tuile. Énorme cette fameuse tuile. Un incendie pour être plus exacte.

La famille Ahston était au grand complet. Anniversaire à fêter oblige. Les 20 ans, ça se fête, les 21 ans encore plus mais vingt, c’est aussi un beau chiffre. Il fallait marquer le coup, faire quelque chose de chouette. L’ennui, c’est qu’il y a un bémol, vous vivez toujours chez vos parents et pendant la fête, ils vous annoncent qu’il va falloir déménager parce que papa change de travail.
Bon, tant pis, c’est pas grave, vous pouvez rester chez votre sœur non ? Mais gênée, elle vous répond que ça n’est pas possible. Son homme risque de ne pas être d’accord.
Vous abattez votre dernière carte. Vous trouverez un appart’, un job, n’importe quoi pour rester parce que votre vie est là depuis quatorze ans, vous avez galéré mais vous êtes bien. Parce qu’en plus, là où vous devez déménager, c’est vachement plus loin. Mais les parents refusent parce que c’est idiot de dépenser de l’argent inutilement, de galérer alors qu’on peut encore profiter. Il y a une bonne université pour les sciences en plus.

Votre anniversaire est non seulement gâcher mais vous vous sentez lésé, trahie aussi. Ça fait longtemps que vous n’aviez pas dû faire face à ce genre de sentiments. Ça remonte à vraiment très loin. C’est idiot, vous le savez, mais vous ne pouvez pas vous empêcher d’être remontée contre eux. Et c’est là que ça dérape. Vous frappez du poing sur la table. Elle prend feu, vous ne savez pas comment, une bougie peut-être ? Non, c’était trop loin. Vous réussissez à l’éteindre ce feu mais vous oubliez parce que vous avez autre chose en tête.
Malgré la fête gâchée, voter sœur reste là parce que les fêtes approchent et puis elle veut vous parler. C’est puéril mais vous refusez. Vous avez 20 ans mais ça ne vous empêche pas de vouloir la paix pour digérer ce genre de choses. Le plus dur c’est les amis et l’unif’. Vous avez tellement bossé pour en arriver là.

Le temps passe mais vous n’arrivez pas à dormir et cette fois, au lieu d’être énervée, vous passez par la colère. Une colère ridicule et aveugle sauf que cette fois, c’est une matière qui brûle vite, très vite. Le canapé du salon est en tissu, il y a un tapis sous la table basse. Tout le monde dort, vous essayez d’éteindre mais plus vous essayez, plus le feu prend. La panique prend le dessus et à chaque nouvel essai d’extinction, c’est pire. Le temps que vous vous rendiez compte de l’étendue des dégâts, c’est trop tard. Votre famille est bloquée là-haut, vous ne vous rendez même pas compte que vous ne ressentez aucune douleur alors que tout brûle autour. Vous sortez, vous appelez à l’aide. Les pompiers, la police… Les voisins les ont appelés. On vous emmène à l’hôpital mais on commence à vous poser des questions. De fil en aiguille, c’est vous qu’on soupçonne parce qu’une fois ou deux, vous avez joué avec des pétards, que vous avez agit de façon stupide avec vos amis.

L’ennui, c’est qu’en colère, les draps du lit de l’hôpital prennent feu un peu plus tard. Et ensuite c’est le psy qui interprète tout de travers. Donc, on vous colle sur le dos l’incendie de la maison, la mort accidentelle de votre famille, le départ d’incendie dans la chambre et on vous coffre en vous collant l’étiquette de pyromane. Vous criez haut et fort que ce n’est pas vous mais tout le monde s’en fou.

Ça se reproduit pourtant, vous savez que ce n’est pas vous mais vous vous rendez compte que vous y êtes pour quelque chose… Et le feu se déclare toujours dans votre chambre, encore et encore. Vous réfléchissez et vous rendez compte que le feu est votre seul allié. Alors fatalement, vous commencez à jouer avec le feu. Briquet, allumettes.
C’était provisoire mais vu que vous êtes dangereuse, on vous coffre, on vous enferme et l’histoire se répète seulement vous avez compris que le feu, c’est bien vous, qu’il ne vous affecte pas. Le problème, c’est que vous ne contrôlez rien du tout. »

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Pyromanie, culpabilité, mythomanie pour se décharger de toutes responsabilités. Voilà des termes qui revenaient souvent dans les rapports de ses psys. Jusqu’à ce qu’un jour, un drôle de type qui ressemblait à tout sauf à un psy est venue rendre visite à Juliet.
Il ressemblait à un aristo, c’était troublant. Les visites, ce n’était pas vraiment courant pour elle et là, c’était la plus étrange de toutes les visites qu’elle n’avait jamais eut.
Il lui dit qu’il comprenait ce qu’elle vivait et que les gens pour qui il travaillait, pourraient l’aider. Depuis presque trois ans, elle était là. Elle en devenait folle, réellement cette fois. Alors une porte de sortie ? C’était tout ce qu’elle voulait mais elle devrait patienter, il fallait régler les papiers. En réalité, il fallait sans doute payer qui de droit ou menacer, c’était selon. Mais il avait dit la vérité, quelques jours après, elle était dehors. Elle voulait des réponses et on allait les lui donner mais ce qui se passe à la Steel Corp reste à la Steel Corps. Tout ce qu’il faut savoir, c’est qu’elle reçu une aide que personne d’autre n’aurait pu lui fournir.

Deux ans à apprendre et à comprendre, deux ans de travail pour ne finalement rien regretter. De toute façon, depuis deux ans, elle était Pyro. Pourquoi regretter quelqu’un qui n’existait plus ? Juliet Ahston était morte à l’instant même où elle avait compris que le pouvoir, c’était la différence.

Et finalement Mr. Hycks avait décidé d’écrire une nouvelle page d’histoire. Une page qui s’écrirait à Galway. Son rôle dans l’installation de la Steel Corp dans cette ville pleine de promesses ? C’est une affaire entre son patron et elle…