La malle aux merveilles, première journée d'ouverture

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Ottavia ne put retenir un petit air interloqué lorsque son client évoqua le fait qu’il avait déjà porté des cuissardes à talons. Dans sa tête, les seuls modèles de cuissardes pour homme qui existaient avaient un talon tout à fait modeste…
La seule explication qui lui venait à l’esprit était celle des soirées un peu spécifiques des fétichistes du cuir… Mais elle chassa bien vite ces images impies de sa tête, car après tout la vie sexuelle de ses clients ne la regardait absolument pas, et tout le monde avait droit à son petit jardin secret.

Tenez, je vous en prie, fit-elle en tendant les chaussures au jeune homme non sans un petit sourire un peu crispé. Et les guêtres sont à réserver à l’option chaussures de ville, la tenue est déjà bien assez chargée comme cela, si on les rajoutait ça ferait vraiment too much !
Et je suis désolée, mais nous n’avons pas de bottes en stock, car ce type de chaussure prend une place folle en boutique, par contre s’il vous en faut une paire nous pouvons vous en commander dans la taille qui vous conviendra, ce n’est pas un soucis, bien qu'il me semble que les gentilshommes de l'époque n'en portaient qu'avec leur tenue de cavalier, pas avec leurs habits d'apparat.

Nathaniel rigola de nouveau. Il allait beaucoup rire aujourd'hui. La vendeuse semblait s'être méprise sur l'origine des cuissardes. Oh, ce n'est pas qu'il n'aimait pas les pratiques sado-masochistes ou fétichistes, mais c'était pas son genre de participer à ces regroupements. Il gloussa puis lui expliqua.

- "Ne vous y méprenez pas. Ce sont des cuissardes à petits talons. De cinq à huit centimètres, pas plus. dit-il en souriant. Ce n'est pas grave pour les bottes alors."

Il saisit les souliers à talons délicatement et s'assit à terre pour les mettre. Le 42 était à sa taille. Il se releva et regarda la vendeuse, mit le chapeau allant avec le costume et délicatement, fit un baisemain, un vrai baisemain, à la jeune demoiselle. Lui, flirter ? Jamais !

- "Alors, qu'en pensez-vous ? Réaliste n'est-ce pas ? Personnellement, je trouve qu'il ne me manque plus que le masque."

Il sourit et attendit patiemment, que la vendeuse lui apporte un masque.

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Rassurez-vous, je ne me méprends jamais, puisque je ne me permets aucunement d’émettre un quelconque jugement ou avis, éluda la jeune fille en souriant à son client. En tant que costumière, elle était en quelque sorte un « serviteur » vis-à-vis de ses commanditaires, une sorte de robot super efficace mais dénué de toute humanité, sentiment ou jugement personnel, hormis l’esprit critique nécessaire dans l’exercice de ses fonctions, naturellement.
C’est pourquoi, lorsque le jeune homme lui fit un baisemain « par surprise », elle ne broncha pas et continua de s’occuper de la tenue de courtisan comme si de rien n’était.

Quel genre de masque vous ferait plaisir ? Une sorte de loup un peu discret comme celui-ci ou bien une pièce de carnaval excentrique ? demanda-t-elle en désignant du doigt deux modèles qui étaient suspendus à la toile derrière le comptoir.

Aller, mon gars, remet toi, hier soir était horrible, pas besoin de continuer en journée.

L'homme avança vers le vendeur, souriant calmement, appréciant l'accueil comme il pouvait. Il n'avait pas l'air frais, mais se redressa, faisant montre de bonne santé malgré les bandages et autres pansements. Il s'approcha de l'homme, calmement.

Hum... avant de commencer à chercher, j'aimerais savoir si vous vendez aussi les costume ?

Il regarda la boutique, en demandant ça, commençant à chercher d'éventuels costumes intéressants. Puis ses yeux se portèrent sur le vendeur même.

En fait, ce serait un costume comme le vôtre. D'époque... d'époque...

Trou de mémoire. Ça arrivait à n'importe qui. Mais même en étant amnésique, c'était énervant. Il avait repéré le regard de l'homme quant à son état, mais n'en fis aucune remarque ni réaction. Ça l'énervé, mais ce n'est pas le premier et surtout... ce sera pas le dernier.

Mmh... je trouverais, mais si vous en avez dans ce style-là, j'en serais ravis.

Puis il se mit à penser qu'il devrait aller acheter une montre à gousset. Ça aller de paire avec l'époque. Il verrait dans une boutique d'antiquité pour cette dernière. Il regarda l'homme, attendant une réaction de sa part. Il ne pouvait pas avoir qu'une faible série de costume, ou alors un nombre précis de type... ça ferait peur, pour une boutique de ce genre.

Fallait sérieusement qu'il arrête de flirter à tire larigot. Mais bon, on ne change pas l'essence même de quelque chose et ça s'appliquait même aux humains. La jeune vendeuse ne s'était pas méprit sur l'origine des cuissardes ? Si elle le disait.

- "Oh, mais je vous fais confiance." dit-il en souriant.

Elle sourit mécaniquement. Nathaniel connaissait ce sourire ; il en avait un tout pareil. Sauf qu'il l'utilisait lorsqu'il voulait éviter toute conversation ou bien dans un milieu professionnel. Elle prenait son job très à coeur et il n'arriverait pas à décrocher son numéro. Fichtre !
Elle en arriva aux masques. Elle montra deux exemplaires. L'un était à son goût et l'autre beaucoup trop extravaguant à son goût. Pas besoin d'être devin, c'était lupin qui lui plaisait le plus. Tiens tiens. Coïncidence ? Qui sait !

- "Le masque de loup me plaît plus. Entre nous, il me convient parfaitement, lâcha-t-il d'un ton taquin, souriant, presque au bord de l'éclat de rire. Auriez-vous d'autres couleurs pour ce modèle par hasard ?"

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La malle aux merveilles, première journée d'ouverture - Page 2 Flavio-2fb3bb6

Flavio fut plutôt surpris de la question : alors que la location était offerte, il était rare qu’un client souhaite dépenser plus d’argent que nécessaire pour une soirée en proposant de se porter acquéreur.
Non désolé monsieur, nous ne vendons pas les costumes, nous nous limitons à la location pour ce que nous avons en stock…

Il écouta ensuite attentivement les désidératas de son client mais ne put retenir une grimace, car il n'aimait pas ce qu'il allait devoir répondre :
Hum, en fait l’époque victorienne n’a pas trop représentée pour le bal, comme nous sommes à Galway et que beaucoup dans cette ville sont habillés de la sorte au quotidien nous avons préféré miser sur des périodes autres pour faire un peu plus... Exotique…

Un peu plus reculée dans le temps certes, mais peut-être que nos tenues de l’époque second empire pourraient vous convenir ? fit-il en sortant d’un portique deux tenues pendant au bout d’un cintre, une dans chaque main : la première était plutôt sobre, dans des couleurs classiques et un style plutôt militaire, tandis que la seconde était faite dans des tons plus bigarrés et dans un style plus civil.

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Ottavia ne fut pas surprise de la réponse, car elle se doutait fort que l’option voyante blindée de colifichets ne serait pas plébiscitée, mais elle avait tout de même préféré proposer. Vu les goûts étranges du client, on ne savait jamais…

Nous n’avons pas exactement d’autres couleurs pour ce masque, cependant nous avons plusieurs modèles à vous proposer. Comme nous les réalisons à la main, nous suivons rarement le même modèle plusieurs fois de suite…

La jeune fille alla décrocher deux autres modèles qui étaient suspendus derrière le comptoir et en sortit deux autres d’une boîte qui était rangée en dessous, puis elle les étala devant le client afin qu’il puisse faire son choix : Voici pour vous ! Je vous invite à en essayer quelques uns afin de voir celui qui s’assortira le mieux à votre tenue et à la forme de votre visage, les loups sont comme les lunettes : ce n’est pas parce qu’ils paraissent jolis en rayon qu’ils le seront toujours une fois portés !

Nathaniel fit un autre sourire à la jeune vendeuse. Aujourd'hui il allait en user beaucoup apparemment ! Elle partit chercher d'autres masques pour qu'il puisse se forger un autre avis. Il regarda attentivement les cinq masque et prit le premier et le multicolore, aux motifs du célèbre Arlecchino de la Commedia Dell'Arte. Ils étaient tous deux magnifique et son coeur balançait. Il aurait du mal à se décider sur ce coup-ci.

- "Les deux sont magnifiques, dit-il alors qu'il les regardait plein d’émerveillement. Le multicolore me fait penser à l'Arlecchino de la Commedia Dell'Arte. J'ai toujours adoré ce personnage, avec Colombina. Le XVIIe était un merveilleux siècle."

Il essaya d'abord le premier masque, de la même teinte du costume. Il se regarda, dans un miroir traînant par-là. Le tout était en harmonie et avec son visage et avec le costume. Le masque lui plaisait d'autant plus sur lui que de vue. Il prit ensuite le multicolore et le mit. Il lui allait aussi, mais pas avec la tenue. On aurait dit qu'une vieille mégère, daltonienne qui plus est, était passée par-là et l'avait habillé. Il gloussa légèrement et retira le masque.

- "Finalement, je vais prendre celui-ci." dit-il en désignant le premier.

Il expira deux secondes et puis eut un éclaire de génie.

- "Y a-t-il des accessoires qui vont avec le costume ? Dans le genre épée ou quoi ?"

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Je vois que monsieur a d’excellentes références ! répondit Ottavia. Ces masques sont effectivement inspirés de la commedia dell’arte, que voulez-vous, on ne renie jamais ses origines ! fit-elle en référence à son accent qui était tellement prononcé qu’il était quasiment impossible de ne pas deviner ses origines méditerranéennes.

Elle attrapa le masque choisit par le client et le mis de côté, puis raccrocha les autres à la toile et enfin rangea le reste sous le comptoir. Elle marqua une pause afin de rassembler ses esprits pour se souvenir de quoi venait de lui parler son client, puis répondit dès que la solution refit surface :

Non, mis à part la perruque ce costume n’a pas d’accessoires, surtout pas d’armes car les gentilshommes de la cour n’en portaient pas avec leur tenue d’apparat, porter une arme pendant une manifestation publique aurait été interprété comme un signe d’hostilité !

Je pense que nous avons vu tout ce qui concernait la partie physique du costume, maintenant je vous propose de vous rhabiller afin de pouvoir attaquer les parties administratives…

Jusqu'à présent, Nathaniel avait eut des doutes quant aux origines de la jeune femme. Il savait bien qu'elle n'était pas Irlandaise, ou du moins "pure" Irlandaise mais, jusqu'à maintenant cela n'avait été qu'une supposition. Maintenant, il était fixé.

Pendant un moment il se contenta de la regarder, hochant le tête à tout ce qu'elle disait avec un large sourire. Au moins, il n'était pas en mauvaise compagnie, bien qu'il était toujours persuader de ne pas pourvoir décrocher un papier avec son numéro dessus. Pour deux raisons ; de une elle était super professionnelle et de deux elle était sur son lieu de travail.

- "Oui, le théâtre est un peu ma passion, surtout dans cette période. Et bien si je ne m'y attendais pas ! La signora est Italienne ! Moi aussi j'ai des origines Méditéranéennes, mais malheureusement elles sont Espagnoles, dit-il penseur. Et grâce à mon père j'ai des origines Anglaises aussi, comme vous pouvez l'entendre dans mon accent un peu trop British pour l'Irlande."

Il écouta sans broncher la jeune Italienne et fila fissa dans la cabine d'essayage se rhabiller. Pendant ce laps de temps il pensa à comment il allait se débrouiller pour se coiffer. Il trouverait bien une âme charitable pour l'aider, non ? Au pire, un tour chez le coiffeur et hop, on a nos Anglaises !

Il sortit de là, le costume se les bras et son trois pièce bien mit sur lui. Sa canne coincée entre son torse et son bras, il tenait son haut-de-forme d'une main. La vendeuse le priait d'aller à la caisse d'une façon très diplomatique. Une façon de demander son argent gentiment sans paraître trop grossier. Décidément, cette femme-là était pleine d'atouts et de ressorts.

- "Mais certainement très chère. A vous l'honneur."dit-il en lui cédant le chemin.

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En attendant que le jeune homme ne se rhabille, Ottavia s’était rendue à la caisse afin de préparer la paperasse nécessaire. Une fois qu’il l’eût rejoint, elle lui tendit son carnet ainsi qu’un stylo en lui demandant : Tenez, veuillez remplir les champs qui vous concernent, tels que le nom, le prénom l’adresse…

Elle laissa le client s’exécuter, pliant en attendant le costume et emballant les chaussures afin de les ranger dans un sac de toile brodé au nom de la boutique. Elle posa le tout sur le comptoir et prit une inspiration avant d’aborder le point épineux :

Nous devons maintenant aborder le sujet de la caution, car si la location vous est offerte nous nous devons d’avoir une garantie que vous nous ramènerez le costume, si possible en bon état. Vous avez donc le choix entre me donner une pièce d’identité afin que j’en fasse une copie, ou bien me laisser la somme de 400 euros, chèques ou espèces, que nous vous restituerons une fois le costume rapporté !

Le tout emballé dans un joli sourire, la commerçante avait l’habitude de faire passer la douloureuse.

Il revint vers la caisse et écouta attentivement la vendeuse. Il devait remplir les papiers dans les bons champs. Chose qu'il fit rapidement. Numéro de téléphone hein ? Elle jouait ce petit jeux là ? Très bien. Il savait bien que c'était purement professionnel mais, par déformation "professionnelle" il nota son numéro sur un papier qu'il garda en mains.

Il rendit le formulaire tout sourire et écouta la suite. Même l'évocation des 400€ ne lui fit pas perdre son sourire. Qu'allait-t-il faire ? Donner une copie de sa carte d'identité où il était coiffé d'un chignon volage et où il portait ses lunettes ou bien allait-il donner 400€ ? Il choisit l'argent. Il préférait ne pas lui montrer son minois pourvu d'une paire de lunettes et coiffé comme un ahuri.

- "Je vais choisir l'argent, dit-il en sortant le portefeuille de sa poche. Il sortit 500€ dont 100€ étaient pour la demoiselle. Tenez, 400 pour la caution et 100 pour la causette et votre aide précieuse. Je ne vous remercierai jamais assez."

Et en tendant le billet de 100€ comme pourboire pour la jeune femme il glissa discrètement le mot avec son numéro de téléphone. On ne change pas ce qu'on est finalement ! Haaaah, la vie... Merveilleuse n'est-ce pas ?

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La jeune femme réceptionna la somme de la caution ainsi que le généreux pourboire –elle n’allait pas cracher dessus, ce genre de geste faisait toujours plaisir aussi bien pour le portefeuille que pour la satisfaction d’avoir rendu un client heureux.

Elle rangea les 400 euros dans une enveloppe où elle glissa également le bon rempli par le client avant de ranger le tout dans la caisse, puis glissa son petit billet perso avec le petit mot dans son décolleté. Oui, ne pas partager avec son frère n’était pas gentil, mais rien ne les obligeait à partager les pourboires, et encore moins ce genre de petits billets personnels, Flavio se moquerait encore d’elle.

Je vous remercie de votre générosité, fit- elle en souriant et en tendant le sac contenant le costume à son client. Je vous souhaite un excellent bal, et j’espère bien que vous reviendrez nous donner vos impressions par la suite ! conclut-elle en saluant le futur courtisant, en se disant que l'intitulé même du costume n'aurait pas pu être mieux choisi.

Une fois l'argent donné, il mit son haut-de-forme sur sa tête, prit le paquet de sa main libre et de l'autre s'appuya sur sa canne. Il détalla une dernière fois la vendeuse avant de sortir de la boutique. Il avait trouvé son compte et était content de pouvoir aller au bal dans cette tenue.

Elle devait être contente de la dite somme car un il vit passer comme un éclaire satisfaction passa sur son visage. Elle glissa le pourboire dans son décolleté ce qui eut pour effet d'attiser l'attention de Nath' sur lui. Secouant la tête il s'apprêtait à faire demi tour lorsque que la jeune femme ajouta un commentaire.

- "Mais tout le plaisir est pour moi, très chère, dit-il tout sourire. Oh, et bien merci beaucoup. A en juger ce que vous dîtes, vous ne serai pas présente ? Quel dommage, une si jolie femme comme vous devrait se trouver à son aise dans un bal masqué. Ne vous en faîtes pas ; je viendrai avec des photos et des commentaires sur la soirée lorsque je rendrai le costume. Comptez sur moi !"

Il fit une courbette tant bien que mal et partit dans un bruit de canne sur le sol.
Tiens, il se demandait s'il n'allait pas prendre cette canne au bal... Qui sait ?

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Son client se décida finalement, après avoir essayé les deux tenues, pour le charme coloré de la tenue Napoléonienne civile. Flavio récupéra la tenue – après que son client fut changé, il n’allait pas non plus le lui arracher – et entreprit de la plier soigneusement afin de la faire rentrer dans un des sacs de la boutique, non sans avoir prévenu que la chemise nécessiterait sans doute un petit coup de vapeur avant le bal pour retirer quelques plis disgracieux, les tissus de l’époque ayant tendance à se montrer particulièrement capricieux.

Le client dut ensuite remplir le sempiternel carnet de bons pour renseigner son identité et choisit de laisser 500€ de caution en liquide sans trop s’éterniser, car il n’avait pas l’air de tenir la grande forme.

Qu’à cela ne tienne, Flavio lui souhaita une bonne fin de journée et retourna jouer son rôle favori de Monsieur Propre de la boutique en rangeant une chemise par-ci, un jupon par-là…