Le cinéma

Chugo arrivait au Dark théâtre. Le bâtiment ne l'intéressait absolument pas. Tout ce qu'il voulait, c'était un film. Vu l'heure, ce serait le dernier film de la soirée. Il était un peu perdu, une nouvelle pour lui de se retrouver dans un tel bâtiment en réalité.

Chugo se frotta l'avant bras, un peu mal à l'aise : il ne se sentait pas à sa place, mais il voulait savoir ce qu'était ce lieu qui lui était tellement étranger. Il vit une file. Il se dit que c'était là qu'il pourrait sûrement acheter son entrée dans cette drôle de machinerie. Il s'approchant donc, se mettant à la fin de la file. Que proposait-on ce soir, comme film, il n'en avait aucune idée...

Il se rappelait pourquoi il était parti : le laboratoire changer lentement depuis que la précédente patronne était partie. Les expériences étaient de plus en plus rude au fur et à mesure, surtout pour le corps de Chugo qui en subissait parfois de belle. Et le pire pour lui était que Stasi n'en avait sûrement aucune idée... Il avait caché ses fioles pour que les médecins ne les trouvent pas et ne les lui prennent pas. Il avait donc fuit le laboratoire pour se balader, comme à son habitude. Et voilà où il se retrouvait.

Alors, pas celui-là, noon... celui-là ? Heu... non... raaa, mais que des films d'horreurs... Bon, alors, lequel ?

Chugo ne semblait pas vraiment savoir que choisir. À vrai dire, vu qu'il était là, il prendrait celui qui s'offrait automatiquement à lui.

Il capta un instant le regard de la demoiselle devant lui, puis reporta son attention au panneau, puis aux écrans décrivant les films. Ça ne lui semblait pas intéressant. Il réfléchit un instant. Tout ce qu'il voulait, c'était de se changer les idées.

La fille le dévisageait toujours, elle semblait se poser des questions sur son cas. Ba quoi ? Il devrait ne pas être là ? C'était dangereux ? Bon, quand on a pas mal, on a tendance à ne pas connaître la notion de danger. C'était désagréable à un moment d'être observé de la sorte.

Elle lui demanda soudain si tout allaient bien. Chugo paru surpris... Et hésita à répondre. D'abord, quoi répondre ? Ho, mais oui ! Les tortures de ces cinglés sont franchement fun ! Non, elle ferait sûrement un cirque en l'insultant après. Elle était qui, cette gamine pour demander ça à un inconnu ?

-Heu... ouais, tout va... si c'est par rapport aux bandages, rassurez-vous, si je devais mourir un jour, je serais mort depuis... un siècle en fait !

Il se ravisa et soupira.

-Pardon, ça fait un moment que j'avais pas pensé a tout ça. Appelait-moi Chugo.

Il se frotta le visage doucement. Soit elle était sympa, soit elle s'intéressait à lui... quel est le choix le plus juste ?

L'air dubitatif de la demoiselle ne l'étonnait pas. Il avait recommencé à être incompréhensible et à parler comme il réfléchissait. Il réfléchit un moment, écoutant ce qu'elle lui demandait... comment le lui expliquer ? Il lui montra un instant la file qui avançait pour avancer à son tour. La question était logique. Qui se baladerait avec une masse de bandelette égale à la masse de vêtements ? Il la regarda pour répondre, prenant le temps de trouver des mots corrects :

-Je suis un immortel hémophile. Malheureusement, je ne peux pas sortir sans ces bandages, ni saigner. Donc, oui, c'est habituel. Oui, c'est récurant. Loin d'être agréable, même si je ne sens pas la douleur. Mais les vampires ne m'approchent pas pour autant. Disons que je sais me défendre.

Chugo toisa la demoiselle en toute sérénitée. Il lui ferait peur, comme à tous ceux qui lui avaient posé la question. Si c'était une humaine normale, soit elle le prendrait pour un fou, soit... cas rare... elle lui demanderait son secret d'immortalité. Sinon... hé bien, le temps le dira. La caisse approchait. Il repensa aux expériences visant à connaître la limite de sa régénération, expériences qui n'avaient pas abouti. Faut dire, tenter la longévité sur un immortel se régénérant... trop rapidement...

Chugo observait la jeune fille. Elle ne semblait pas croire une partie ou alors une question lui trottait dans la tête. Laquelle ? Peut-être celle qui suivait, mais c'était loin d'être sûr. Alors qu'elle lui demandait un quelconque lien avec Raspoutine ou quelqu'un ayant un rapport avec la Russie... Les yeux du jeune homme s'écarquillaient. Que ces choses ne lui disent rien, normal, au niveau de sa mémoire... Mais quand même ! Il n'avait absolument rien à voir avec un russe, surtout qu'il n'en avait pas la corpulence, encore moins la taille. Et il n'aimait pas être non rasé ! La question suivante le gênait. Un vampire ? Lui ? Il n'en avait que l'immortalité de commune.

Il réfléchit un instant, regardant la demoiselle pour répondre :

-Non, j'ai rien à voir avec les vampires. Je ne mords personne pour récupérer quoi que ce soit chez eux. Je n'ai rien à voir non plus avec un quelconque russe, quel qu'il soit. Où alors, j'en ai plus mémoire. D'ailleurs, je pourrais vous citer tous les aspects de ma personnalité, je risque de ne pas me souvenir de vous demain, et ce, à tout moment de la journée. Mais plutôt que parler, nous devrions choisir un film, non ? À moins que votre intérêt de la soirée ai changée pour une quelconque raison.

En effet, en parlant, la file dans laquelle ils se trouvaient tout deux avait avancé depuis un moment. Lui ne savait toujours pas quoi choisir. C'est vrai, ça, quel film pouvait être intéressant !?

Décidément ce type avait l’air encore plus à côté de la plaque que ce qu’il en avait l’air –c’était peu dire – incapable de répondre de manière logique à une question plutôt simple, mais elle décida de ne pas insister, elle n’avait pas envie de l’agacer et de tester les limites de sa patience.

Ho mais je ne vous ai pas traité de sangsue ou d’un truc du genre, je me demandais simplement si en tant qu’immortel vous étiez plus vieux que ce votre apparence pouvait laisser penser, mais je sais que c’est un sujet plutôt sensible chez certaines personnes…* Non Winnie, n’en rajoute pas une couche* … Même si habituellement c’est une coquetterie que l’on rencontre plutôt chez les vieilles dames ! *Fuck, t’as pas pu t’en empêcher c’est ça ? Si le timbré te kidnappe pour te découper en apéricubes, tu l’auras bien cherché !*

En tout cas vous semblez avoir vécu bien assez longtemps pour ne pas vous souvenir de tout, c’est un concept qui m’est bien étranger du haut du mes dix-sept ans, tenta-t-elle pour détendre un peu l’atmosphère.
Leur place dans la file ayant bien avancé, le client juste devant eux leur céda la place :

Deux tickets pour la séance suivante s’il vous plait, demanda poliment la jeune fille à la guichetière.
Désolée, on est à Galway ici, il n’y a pas de multiplex et on n’a qu’une salle, ça sera donc la « Part des Ténèbres » pour tous les deux ! Je vous invite et vous me payez le pop corn ensuite ? fit-elle pour éluder la question pas très classe du « On-paye-chacun-sa-part », et puis vu ce qu’elle consommait en maïs soufflé elle aurait largement de quoi rentabiliser son investissement ! Valait mieux se faire bien voir des lunatiques dans son genre…

Chugo était plus amusé par la remarque qu'autres choses. Le mot "coquetterie" ne semblait pas appartenir à son vocabulaire vu l'état de certain de ses vêtements, même si ce soir il en portait des neufs. Il sourit au final de la phrase, faisant état de l'âge de la curieuse demoiselle.

-Pour moi, j'ai 20 ans, mais le peu de souvenir que j'ai me laisse croire que j'aurais...

court moment de réflexion

-Oui, près de 100 ans.

Ils étaient devant la caisse lorsque la demoiselle commanda les deux tickets sans que Chugo n'ai son mot à dire. Bon, il savait qu'il n'avait pas le choix du film, donc il ne dit rien, mais il aurait préféré payer lui-même les tickets. Ça le gênait. Il ne savait pas pourquoi, mais il aurait voulu payer la place. Aussitôt, il voulut se rattraper en prononçant un rapide: "Je reviens !"

Il parti en direction de la vendeuse de friandise... qu'il repéra uniquement à l'odeur... et acheta deux des plus gros paquet de popcorn. Il en avait les moyens et heureusement pour lui. Il ne semblait pas avoir besoin de manger énormément. Quant à ses loisirs, c'était le même livre tous les mois. Il revint face à la demoiselle avec les énormes paquet de pop corn.

-Au fait, de quoi parle ce film ?