L'air frais du matin irlandais avait fini par la séduire. Tous les matins, elle prenait simplement sa voiture de location pour rejoindre soit le chantier, soit la salle qu'elle avait récupéré à la clinique pour ses études. Cette routine lui donnait l'impression de s’empâter et l'Américaine n'aimait pas ça.
Aux abords de l'hôtel, se trouvait une forêt. Un soir où elle flânait dans le cimetière attenant à l'établissement, elle prit la décision de profiter de cet espace vert pour s'oxygéner. Ça ne lui prendrait qu'une demi-heure chaque matin et elle se sentirait bien mieux pour entamer son travail.

Ce matin-là, Tamara était sortie plus tôt que d'habitude ; elle était tombée du lit en vérité. Le couple de squelettes allait être rapatrié au centre de recherche et elle pourrait passer des heures à décortiquer chaque indice laissé par ces hommes d'un autre temps. Elle était impatiente mais elle n'allait pas passer à côté de son petit footing matinal. Au contraire, elle était sure que ça lui ferait tellement de bien au cerveau que celui-ci fonctionnerait encore mieux.

Vêtue d'un pantalon gris, d'un débardeur rouge et d'une paire de baskets noires, elle avait enserré un sweat autour de sa taille qu'elle revêtirait une fois sa course terminée pour rejoindre l'hôtel. Les écouteurs visés à ses oreilles, elle se mit en route. Qu'écoutait l'anthropologue pour courir ? Des rythmes indigènes pour tenir la cadence : tantôt tambours africains, tantôt chants traditionnels d'Asie, tantôt rythmes celtiques... L'éclectisme n'était pas un problème. Elle se mettait plus volontiers de la musique classique pour la concentration, et ne rechignait pas aux musiques modernes qu'elle écoutait volontiers dans un contexte de soirée.

Tamara suivit comme chaque matin le petit chemin qui partait de la route pour s'enfoncer dans la forêt. La nature avait une couleur différente à ce moment de la journée ; cela ne faisait pourtant qu'une demi-heure d'avance par rapport à son horaire habituel.

Meluxine n’était pas de bonne humeur. Meluxine avait mal dormi en fait, si on peut parler de dormir quand on a passer la nuit comme une bête fauve enfermé dans la cave du Quality Street. Et quand elle avait repris conscience peu après le levé du soleil, elle était pleine de courbatures. Non Meluxine n’était pas de bonne humeur quand elle est sortie de la cave, mais ça allait un peu mieux après un steak au petit déjeuner. La vie continue après tout, et même elle allait continuer plus longtemps qu'initialement prévue. Il falait donc garder les bonnes habitudes. Elle sortie après sa gym faire un footing.
D'ordinaire, Elle préférait rester en ville, mais depuis que son odorat s’était affiner, l'odeur des voitures la gênait plus, alors elle se tournait plus vers la nature et plus précisément la foret toute proche. En plus c’était tranquille. Meluxine etait de meilleur humeur

C'est vetue d'un pantalon treillis, d'un coup vent bleu marine et une paire de couleur définissable mais tournant vers un marron approximatif et de 4 bracelets lestés que Meluxine sortie du QS, puis du quartier, puis de la ville. Plus que tout, c'est le silence naturel de la foret que Meluxine appreciait. pas un silence absolue, un silence peuplé de chant d'oiseau, de craquement de brindille, d’écho de sa respiration. Et de percutions ...

Percutions ? mais qu'est ce que des percutions viennent faire ici ?

Il ne fallu pas longtemps à Meluxine pour identifier la source de ces bruits parasites comme étant une autre joggeuse en vêtements gris et rouge derrière elle. Elle décida de faire du sur place pour l'attendre et voir qui donc partageais ce coin de nature en cette matinée.

Tamara avait repéré une forme humaine à quelques centaines de mètres d'elle. Elle qui ne croisait personne à son horaire habituel allait avoir de la compagnie dans cette tranquille forêt en ce matin d'hiver. Courir avec quelqu'un n'était pas dans ses habitudes mais elle était dans une nouvelle ville pour une durée indéterminée, elle pouvait bien varier ses habitudes quand l'occasion s'en présentait.

L'anthropologue arriva à proximité de l'autre joggeuse. Elle la reconnut immédiatement même si la tenue qu'elle portait la première fois qu'elle l'avait vu était inévitablement différente de celle-ci. La tenue de lapine et sa position à l'accueil du Quality Street l'identifiaient inévitablement comme une fille y travaillant.
Elle retira un écouteur qu'elle laissa pendre sur sa poitrine ; de l'autre main, elle baissa le son.

" Bonjour ! " dit-elle avec un grand sourire. Les deux femmes se remirent en route ensemble en petites foulées.
" Je vois que vous êtes équipée. " L'Américaine faisait bien sur référence aux bracelets lestés que Meluxine avait revêtu. " Vous êtes une vraie sportive comparée à moi. Est-ce par plaisir ou nécessité professionnelle ?"

C'était une façon comme une autre de faire une entrée en matière non ?

Bonjour, c'est rare que j'ai de la compagnie tôt le matin

Meluxine reconnue le Paon de la soirée Jungle Fever, meme si elle n'e l'avait pas beaucoup côtoyé a cause de Kain. Cette tenue plus civil la changeait beaucoup, et le contexte n'est pas le même non plus. Meluxine restait en mouvement pour que les muscles ne refroidissent pas, quelques étirements.

Un peu des deux en fait, je dois entretenir mon outil de travail et j'aime bien mon métier de videuse, j'en ai fais des bien plus glauque. Et si je fais bien mon boulot des le début, je n'ai pas vraiment d'effort à fournir.
Vous savez, meme si l’équipement est un plus ce qui compte c'est la volonté, combien achète un vélo d'appartement ou un rameur pour le laisser dans le placard hein ? vous etes plus sportive que beaucoup de gens donc.
D'ailleur je ne vous ai pas croisé avant, vous passez plus tard d'habitude ?

" Je suis tombée du lit pour ainsi dire. " avoua Tamara en riant doucement, puis elle continua : " Reprenons la course si vous voulez bien."

La remarque de la blonde était pertinente. Beaucoup de gens ne franchissaient même pas le pas de penser à faire du sport. De là, à sauter le pas, il y avait encore un fossé. La question ne s'était pourtant pas posée de cet ordre-là pour la jeune femme. Pour elle, c'était une stimulation cérébrale. La libération d'endorphine qui se produit durant la course avait des effets positifs sur sa concentration. Elle ne rechignait pas à une partie de jambes en l'air efficace pour obtenir le même effet.

" Contrairement à la majorité des gens, j'ai pleinement conscience des effets efficaces de la pratique sportive, sur le corps et l'esprit. Et je les utilise à plein escient pour mon travail. "
Mais parler d'elle ne l'intéressait pas vraiment ce matin-là. Elle tenait une représentante du Quality Street, cet endroit où elle avait entendu clairement prononcé le mot de "lycane".
" Vous êtes donc la videuse de la maison ? Cela nécessite-t-il des capacités spéciales dans une ville comme celle-ci ? Les clients ne doivent pas être tous très coopérants... comme ailleurs certes mais... "

Au fur et à mesure de la course, Meluxine souriait. Loin des activités de la maison, l'autre jeune femme s’intéressait surtout à la part de la population la moins connu du grand public. Lui en dire le moins possible allait être un jeu, mais si elle fouinait trop auprès des mauvaises personnes elle serait bonne pour la rubrique nécrologique du Galway Night Post. Il faudra jouer avec les mots , son intérêt et marcher sur des oeufs.

Il faut etre assez psychologue, pour percevoir quand les ennuis vont commencer. C'est plus dans le ressenti des choses que purement de la force. Même si évidement la force est aussi nécessaire, l'anticipation est primordiale.
Si nous avons fait une soirée pour la réouverture, c'est que nous avons été obligé de fermé suite à une attaque groupée. j'ai vite été submergée et si cela à été terrible heureusement que la police est venue assez vite sinon ...

Sinon pour les clients, les hommes restent ... des hommes, peu importe la couche de vernis qui cache tout ça

" Une attaque groupée ? Qui donc voudrait s'en prendre à une maison close ? Et pour quelle raison ? "

Les questions étaient sorties toutes seules, évidemment. Une révélation de la sorte était suffisamment surprenante pour susciter toute l'attention de l'humaine. Dans sa tête, filaient quelques hypothèses : une histoire de créances impayées, de règlement de compte, d'inimitié entre deux caractères... Elle excluait les épouses jalouses, à moins que celles-ci disposent d'une armada à leur disposition. Attaque groupée, intervention nécessaire de la police... Ce n'était pas une mince affaire apparemment. Si la blonde ne souhaitait pas lui en dire davantage, Tamara était persuadée de trouver des informations nécessaires dans les journaux ou sur internet pour étancher sa curiosité.

" Les filles sont-elles pour certaines en mesure de se défendre toutes seules ? D'après ce que vous me dites, ça serait plus prudent. J'ai même souvenir d'un incident lors de la soirée de réouverture... "

La curiosité était un vilain défaut disait-on fréquemment. L'Américaine n'en avait cure des on-dits. L'occasion était trop belle pour ne pas aborder ce sujet avec l'une des résidentes.

Meluxine décide de forcer légèrement l'allure pour voir si Tamara peut la suivre.

Se défendre par elles mêmes ? Très peu en fait, surtout avec ce que nous avons eu en face... Les plus dégourdies ou chanceuses ont pris la fuite, ce qui etait le bon sens à vrai dire. Il faut dire que c'est rarement ce qu'on leur demande. C'est bien triste en tout cas ... pour les autres.

Meluxine ne voulait pas ressasser encore et encore ce grave incident, qui avait bouleversé sa vie par bien des aspects. La perte de plusieurs collègues, la perte de son humanité, la perte de la sécurité que représentait le QS pour elle. Beaucoup de choses avait changé en peu de temps.

Mais parlons d'autre chose s'il vous plait, c'est un événement assez pénible. Dite moi plutot ce que le joli Paon que vous etes fait dans le civil.

Le détachement de l'anthropologue ne lui avait pas fait penser que la blonde resterait attaché au sujet de l'attaque du Quality Street. Elle-même ne s'en était servie que comme prétexte pour en venir à de possibles compétences raciales des locataires. Certes, le sort d'inconnues ne la touchait absolument pas. La compassion et l'empathie ne faisaient pas vraiment partie de ses attributions ; certes elle secoua la tête en guise d'assentiment à ce que déclarait la jeune femme, mais par simple habitude. Dans sa tête, elle se demandait comment elle allait faire pour obtenir les informations qu'elle souhaitait.

Tamara ne cala pas son rythme immédiatement lorsque Meluxine accéléra l'allure. Quelques pas les séparaient toutes les deux mais l'Américaine ne voulait pas brusquer son organisme ; elle agit donc progressivement pour caler ses pas sur ceux de sa camarade de course. Passant à la musique suivante sur son baladeur mp3, elle finit par rejoindre la blonde et lui sourit.

" Si j'étais réellement un paon, mon avenir et ma vie ne seraient pas aussi intéressants que ceux que je me suis construit. Je suis anthropologue. C'est à dire que j'étudie les ossements humains, à travers les âges et les continents. Partout où l'on a besoin de moi et où se trouvent des mystères. J'aime également me questionner sur les sociétés, les relations entre les hommes... En arrivant ici, je ne pensais pas être au contact de tant d'énigmes ; je vais donc rester ici plus longtemps que la durée de mon travail. "

La scientifique marqua une pause, le temps de passer à la piste suivante : ce rythme-là ne lui convenait pas.
Puis elle reprit comme si de rien n'était, comme si elle disait "Vous avez remarqué comme il est froid ce matin ?"

" Vous ne devez pas ignorer les mystères dont je parle ? "

"Bones" ? " s'interrogea Tamara. Mais Meluxine éclaira sa lanterne en continuant de parler. " Désolée, je ne regarde pas la télé. Je ne saurais donc vous dire si c'est fidèle à la réalité ou non. J'ai cependant entendu dire que pour les séries scientifiques, les scénaristes faisaient appel à des professionnels pour ne pas montrer trop d'énormités. Cette série "Bones" en bénéficie peut-être. "

Il faudrait qu'elle se renseigne sur le sujet. Si d'autres personnes faisaient le rapprochement avec cette série, elle devait être en mesure de leur dire si ses fonctions ressemblaient ou non à ce qui était montré dans ce programme télévisé.

Les premiers mots de la blonde firent sourire Tamara. Le terme de "faune" était utilisé pour les animaux mais dans un cas présent, il avait une saveur différente, un sous-entendu particulier. C'était exactement ce qu'attendait l'anthropologue.
En vivant, les gens ne pouvaient pas ignorer longtemps ce qui faisait la spécificité de cette commune. Sans être le sujet autour duquel tournaient toutes les conversations, il devait revenir souvent dans les préoccupations de chacun.

" J'imagine bien que nous ne répondions pas tous à la définition classique de l'humain, d'autant que j'ai entendu prononcer le mot de "lycane"au cours de la soirée."
Elle marqua une pause comme si elle réfléchissait puis reprit : "De toute façon, la morphologie ne varie pas assez sous forme humaine pour que je sois en mesure de faire la différence entre les espèces. Les lycanthropes que j'ai déjà pu observer avaient une apparence tout ce qu'il y avait de plus normale avant de se métamorphoser. Pour ce qui est des vampires, je n'ai pas eu l'occasion qu'on m'en présente pour tenter de repérer par moi-même des différences notables. "
Pragmatique comme toujours.

Meluxine mit plusieurs minutes avant de se décider à répondre. Elle hésitait entre noyer le poisson et jouer cartes sur table. Ce n’était pas facile de savoir quoi faire, parce que autant cela pouvait conduire Tamara à des imprudences, autant cela pouvait conduire à une foule en colère, avec torches et fusils. C’était une situation inconfortable, mais il allait falloir jouer avec. Apres avoir bien pesé ses mots, Meluxine dit :

Si c'est des réponses que vous cherchez, je veux bien vous en donner. Je peux vous affirmer qu'il y avait pas moins de 6 vampires au Quality Street cette nuit là Ainsi que deux lycans par exemple.

Voyons voir comment Tamara allait essayer de lui tirer les vers du nez.

Je vais même vous dire autre chose : vous m’inquiétez. Parce que je demande ce qui vous pousse à être curieuses de ses choses là. c'est plutôt morbide vous ne trouvez pas ? c'est vrai, ce son des monstres, des tueurs. Les Lycans n'ont pas de contrôle sur eux même, ils sont sanguinaires. Et les vampires ? c'est encore pire ! ils savent parfaitement ce qu'ils font. Une personne censée voudrait s’éloigner de ces dangers.

Au moins six vampires, dit-elle. Ainsi que deux lycans. Pourquoi était-elle plus sure du nombre de lycanthropes ? Elle ne connaissait vraisemblablement pas toute la clientèle mais suffisamment pour savoir le nombre approximatif de vampires qui se trouvaient parmi eux. A moins bien évidemment qu'elle prit en compte ses collègues dans son décompte.
Les vampires étaient soit naturellement plus nombreux, soit ils se faisaient bien plus remarqués par les néophytes. Chose qui lui sembla logique au vu de la nourriture qu'ils absorbaient ; leur tempérament et leur mode de vie devaient également être différents. Cependant l'anthropologue n'avait pas encore fouillé plus que ça ce qui concernait ce prédateur-là. Elle avait juste remarqué que les sources fourmillaient sur internet, davantage que pour l'espèce qui l'intéressait un peu plus particulièrement depuis qu'elle avait fait la connaissance de Stasi.

Elle avait écouté d'une oreille peu attentive la seconde partie du discours de Meluxine. Elle n'en avait retenu que les mots "dangers", "monstres", "morbide" et un "vous m'inquiétez" au début. Pourquoi s'inquiétait-elle pour elle ? Elles ne se connaissaient pas.
" Je suis une scientifique. Si on devait s'arrêter à la limite de ce qui est dangereux, le monde serait passé à côté de découvertes fascinantes. Et je travaille sur des cadavres, donc le morbide fait parti de mon quotidien. C'est parce que ces gens sont morts que j'ai du boulot. Si je meurs de façon étrange, quelqu'un sera à même de lever le mystère comme je le fais actuellement. "
Mourir ne lui faisait pas peur. Elle l'avait admirablement démontré face à la patiente de la clinique et à son médecin, tous deux en plein transformation.

" Vous dites deux lycans avec plus de certitude que le nombre de vampires. Vous les connaissez personnellement ? D'ailleurs pourquoi rester dans cette ville si vous jugez ces créatures monstrueuses et dangereuses ? "

Vous vous trompez, mes deux chiffres sont certains. Je me dois de savoir ce genre de choses si je veux assurer ma mission de protection. Ils y a des indices qu'il faut savoir. Le miroir près de l'entrée du QS par exemple. Sa présence n'est pas innocente du tout. Mais pour être franche j'en connais certains mieux que d'autre aussi.
Vous savez, au départ je ne suis pas venue de mon propre chef à Galway, mais j'ai appris à aimer cette ville pour ce qu'elle peut offrir, et puis j'aime le Quality Street aussi, pour toutes celles que j'y ai côtoyé et que je côtoie encore aujourd'hui. Je ne sais pas si j'ai un autre endroit ou aller maintenant.

C'etait autant que possible ce que Meluxine s'autorisait à révéler, voir même un peu plus. Tamara était une adversaire à ne pas prendre à la légère pour ce qui est du jeu de questions-réponses.les deux jeunes femmes n'avait pas grand choses en communs et c'est ce qui motivait Meluxine, ce confronter à une toute autre façon de voir le monde.

Mais vous savez, meme parmi les êtres humains il y a des gens plein de ressources. j'entends par là avec des capacité au dessus de la normal. On raconte même qu'il y a un authentique fantôme a demeure dans la ville

Tamara écouta les explications de Meluxine. Elle rebondit rapidement sur l'un des points signalés :

" Le miroir pour les vampires donc."
C'était une chose à retenir. Même si elle doutait que ça soit pertinent dans la vie de tous les jours ; se balader avec un miroir de poche et observer les reflets des gens étaient loin d'être une attitude normale en société. Elle trouvait ça un peu simpliste et pas vraiment scientifique comme manière de procéder mais ça pourrait toujours lui être utile alors elle enregistra l'information.

" Et pour les lycans vous faites comment ? "
Elle n'imaginait pas que cela soit aussi facile.
Pour avoir été confrontée à deux spécimens de cette espèce, elle n'avait décelé aucun indice probant pouvant être utilisé pour les identifier avec facilité. Elle avait juste remarqué que Clarisse aimait sa viande très saignante, ce qui en soi était parfaitement logique pour un carnivore de cet ordre. Ainsi quand la joggeuse blonde précisa qu'elle en connaissait certains plus personnellement que d'autres, l'Américaine conclut en se disant que ce devait être le cas pour les deux loups dont elle avait parlé.

Le reste de sa conversation ne l'intéressa pas, ou plutôt par le sens émotionnel auquel on pouvait attendre suite à une révélation personnelle sensible. Meluxine lui avoua aimer cette ville et apprécier les filles avec qui elle travaillait ; mais si on se sentait véritablement en danger, même en n'ayant aucun point de chute ailleurs, les gens partaient, fuyaient. C'était une réaction instinctive assez primaire quand on n'était pas de taille à faire face à un problème. Aux yeux de Tamara, il fallait une raison plus importante que les sentiments, ou du moins complémentaire à eux, pour rester dans cette situation. Elle en arriva à la conclusion que soit la ville était loin d'être aussi catastrophiquement dangereuse qu'on essayait de lui faire croire, soit Meluxine avait une raison supplémentaire de rester. Un secret qui l'empêchait de s'éloigner d'ici. Un enfant caché peut-être ? Un passif lourd ? Un investissement ? Une capacité particulière ?

Cette dernière interrogation fut soulevée par le propre discours de son interlocutrice. Celle-ci l'informa sans détour que des êtres parfaitement humains disposaient également à Galway de "capacités au dessus de la normale". Cela ne voulait rien dire. Elle se considérait elle-même comme disposant de capacités supérieures à la moyenne ; il pouvait en être de mêmes pour les sportifs de haut niveau et de nombreuses personnes à travers le monde dont les capacités cognitives, psychologiques ou physiques dépassaient les normes usuelles.
Mais parce qu'elle se douta que la jeune femme n'employait pas là les termes corrects pour signifier sa pensée, Tamara chercha à approfondir cette information. Mais elle se devait d'abord de réagir à ce qui lui paraissait une énormité.

" Un fantôme ? Une entité psychique s'étant libérée d'un corps de chair et de sang à la mort de celui-ci ? Vous vous moquez de moi ! L'âme n'est qu'une invention des religions pour vendre leurs concepts à des hommes ayant besoin de croire à une continuité de leur existence après la mort. Au lieu de me dire des bêtises, approfondissez, voulez-vous, sur ces "capacités hors-normes" dont vous parliez. J'imagine qu'il ne s'agit pas simplement de petits génies ou d'athlètes hors pairs. "

Pour les lycans, c'est plus compliqué. Ils faut faire preuve de beaucoup d'observations. et puis le QS est fermé du jour précédant la pleine lune au jours suivant.
J'aimerais bien avoir une petite caméra infra rouge avec écran de contrôle, ça marcherait pour les vampire aussi car eux sont froids. mais ce n'est pas à l'ordre du jours. On reste donc aux vieilles méthodes.

Meluxine avait remarqué que Tamara ne l'avait écouté que d'une oreille. En tout cas l'empathie ne devait pas être son fort. En même temps ses patients étaient tous des maccabés. Ce qui surpris plus Meluxine ce fut la réaction de Tamara quand elle évoqua la rumeur du Fantôme de la cité.

Alors vous admettez l'existence de morts revenus du trépas pour boire le sang des vivants, et de créatures pouvant changer de forme et de gagner en masse en clin d'oeil. Mais pas celle qu'il y a quelque chose après la mort ? "Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie". Ça compliquerait peut etre votre travail si à vos yeux les os devenaient plus que des os.

Meluxine n'avait pas répondu à ses questions sur les humains pourvu de dons, c'etait intentionnel. si elle voulait garder son intérêt sur ce sujet et pas sur sa nature lycanthrope, il lui fallait garder un chiffon rouge a lui agiter sous le nez.

Elles ne prenaient donc de précautions qu'en fonction du fait que les transformations avaient lieu dans les trois jours où la lune était pleine. N'y avait-il pas de risque que cela se produise en d'autres circonstances ? Tamara était pourtant persuadée du contraire, ignorant bien évidemment que le cas du médecin russe était un peu particulier.

" Il y a donc variation de la température corporelle ? Intéressant... " dit-elle à haute voix, portée par sa réflexion.
Cela tenait la route dans les deux cas, au vu des modifications qu'avaient subi les métabolismes. Elle s'étonna de ne pas y avoir pensé par elle-même, même si la biologie n'était pas sa spécialité. Les corps des vampires et des lycans avaient indéniablement des façons différentes de fonctionner, avec des besoins spécifiques. Que la température du corps varie selon l'espèce lui paraissait une parfaite évidence maintenant que l'information avait été donnée

" Je doute que Shakespeare se soit douté de l'existence de créatures humanoïdes vivant aux côtés de ses semblables. Et des os resteront des os, c'est un fait. Mais non je ne crois pas en l'âme. D'ailleurs la parapsychologie n'est pas une véritable science, c'est bien connu. J'estime en l'état actuel de mes connaissances que les vampires et les loup-garous ont été soumis à des mutations génétiques sévères de leur vivant ou à l'orée de leur mort. Il n'est aucunement question d'âme ou de psychologie d'aucune sorte dans ces phénomènes. Il doit d'ailleurs en être de même pour ces humains spéciaux dont vous me alliez me parler. Dans leur cas, la mutation est peut-être intervenue in-utero, comme une mutation classique des gênes. Sauf qu'au lieu de générer une couleur de cheveux, une malformation ou une maladie, ils ont développé des compétences plus spécifiques, est-ce que je me trompe ? "

Houla ! c'est vous la scientifique, pas moi ! Je peux vous parler de ce que j'ai entendu dire, de ce que j'ai vu personnellement, mais pour l’interprétation, ce n'est pas de mon ressort. Mais si j'ai bien compris se que vous dites, c'est comme dans les X-men...
Rassurez moi, vous savez qui sont les X-Men hein ?

Meluxine avait un affreux doute à ce sujet, tellement Tamara semblait imperméable à la culture populaire. peut etre valait il mieux réorienter la conversations sur des fait , comme ça elle pourrait spéculer à loisir. Meluxine etait contente d'elle n'empeche, Tamara n'a pas eu l'air de capter qu'elle etait une de ces lycans qu'elle semblait tant chercher.

J'ai rencontrer une personne à une soirée, c’était au Bloody Valentine d’ailleurs, qui avait une sorte de d'empathie, j'avais l'impression d’être un livre ouvert avec elle. Bon on a pas gagné de prix mais on s'est bien bien débrouillée toutes les deux. En fait avec le recule je pense que c’était dans les deux sens que ça marchait.
Et une autre fois, j'ai une une espèce de avec des cheveux teints de toutes les couleurs qui se déplaçait si vite, j'ai juste cligné des yeux elle avait fait facile 300 mètres. je me suis demandé si je n'avais pas rêvé. elle est souvent au commissariat, peut être qu'elle y travaille. Pour le reste, ce sont des rumeurs des racontards de secondes mains ou plus. donc je me garderais bien d'affirmer quoi que ce soit.

Evidemment qu'elle ne savait pas ce qu'étaient les X-Men. Mais elle ne répondit pas à la question de la blonde à ce sujet. Elle la laissa continuer et développer son propos. Elle lui indiqua donc avoir été le témoin personnel de ces capacités particulières. Puis il y avait les on-dits qu'elle préféra ne pas lui rapporter.

Tamara analysa en silence ce que Meluxine lui apprenait.
L'empathie. C'était assez difficile de faire de cela un fait probant. D'après la joggeuse, sa coéquipière lisait en elle comme dans un livre alors qu'elle ne la connaissait pas. Aux yeux de l'anthropologue, il n'y avait guère besoin de don pour en arriver là. Même si elle demandait encore à les voir en action, elle savait qu'il y avait des personnes qui s'étaient fait une spécialité de décrypter le langage du corps pour cerner les individus à qui ils avaient affaire. L'empathie consistait alors à se mettre au niveau de l'autre pour lui faire croire qu'on le comprenait parfaitement. C'était souvent utile (et utilisé) pour soutirer des informations ou des aveux dans des affaires policières. C'était de la psychologie comportementale de base.
Le second fait rapporté la laissa plus perplexe. Elle aurait connu Flash, elle aurait pu faire le rapprochement avec ce super-héros. Comme elle ne le connaissait pas plus que les autres personnages de comics, la scientifique pencha pour deux théories à la seule entente de l'énoncé. La première était l'hypervitesse, la seconde la déformation temporelle. Par contre, ces deux domaines se rapportant à la physique étaient largement éloignés de son domaine de compétences et elle n'était pas en mesure, sur ce chemin de randonnée, de mobiliser les connaissances nécessaires pour établir lequel serait le plus facilement envisagé par ses collègues. Il lui faudrait faire quelques recherches sitôt qu'elle en aurait l'occasion.

Le cerveau de l'Américaine était comme un labyrinthe géant aux portes infinies, ouvrant de-ci, de-là au gré des cheminements d'idées qui lui traversaient l'esprit. Maintenant que la boucle était bouclée pour ce qui était de l'analyse superficielle des informations fournies par Meluxine -leur approfondissement méritait une phase de maturation qu'elle n'était pas en mesure d'effectuer tout en courant avec une autre personne- Tamara revenait à la conversation.

" Au commissariat, vous dites ? " répéta-t-elle." Il y en a donc à peu près partout. Vous avez une idée de la représentativité de tout ce petit monde ? Là où vous bossez par exemple, combien y a-t-il de vampires, lycans et compagnie par rapport aux humains normaux ? "

Hum voyons voir, il y a deux vampires, trois lycanes, et le reste c'est des humaines, une dizaine de personnes en tout. Mais je ne sais pas si c'est représentatif de la population de Galway, surtout qu'il n'y a que des femmes. Ah et je crois qu'il y a une Ondine qui va etre embauchée.

Meluxine et Tamara couraient depuis un moment maintenant, et elles étaient presque en vue de leurs point de départ. Meluxine n'avait pas vu le temps passer. et comme elle avait beaucoup discuté, elle avait surement mis plus de temps que d'habitude pour faire son footing. La videuse se demandait ce qu'allait faire Tamara maintenant, sans doute aller travailler.

Nous avons finit notre petit tour on dirait, vous voulez en refaire un ou le temps vous est compté ? Moi j'ai un emploi du temps assez souple en début de journée, vous vous en douté je travaille de nuit. Et avant que vous ne demandiez, non je ne vous dirais pas qui sont les créatures du Quality Street. Ce n'est pas mon role de devoiler ceci surtout sans leur accord préalable. Il va falloir revenir plus souvent si vous voulez le deviner

La cohabitation se faisait bien entre les différentes filles du Quality Street, malgré qu'elles comptent différentes espèces en leur sein. Il n'y avait pas de raison que ça ne se passe pas de la même manière à l'extérieur de cette enceinte. Tamara n'avait encore eu aucun exemple d'affrontement ou de débordement entre ces créatures. Il restait toujours les différents entre personnes, ce qui était et resterait une constante.

" Non je n'ai pas le temps de continuer. Et je vous demanderais pas de parler de vos compagnes. " sourit-elle.
L'anthropologue ne comptait pas s'arrêter là pour autant. Si elle n'avait pas le temps de refaire un tour dans les bois, rien ne l'empêche de discuter encore un petit peu en finissant de regagner leur point de départ. Sa curiosité prenait facilement le pas sur son travail dans ce type de contexte. Elle était sure de tenir quelque chose, bien qu'elle n'ait aucune autre preuve que ce mot prononcé dans les salons de la maison close.

" En revanche, rien ne vous empêche de me dire ce qu'il en est de vous. Vu qu'il fait jour, vous ne pouvez être une vampire. Mais vous pouvez tout à fait être une lycanthrope. De plus, cela pourrait vous être utile vu votre travail. "
L'Américaine tenta le tout pour le tout. Si la blonde ne souhaitait pas lui répondre, c'était son droit mais au vu de la façon dont elle pouvait s'y prendre pour cela, la scientifique aurait peut-être sa réponse. Ce serait évidemment plus simple si elle le lui avouait clairement. Elle pourrait bien sur démentir aussi. Tamara ne pourrait pas forcement déceler le vrai du faux dans ce cas-là mais en demandant franchement, elle espérait obtenir une réponse franche en contrepartie.

Meluxine pris le temps de réfléchir à sa réponse, mais puisque Tamara y avait été avec franchise elle était plus que tentée de faire de même. Au final, rien ne l'en empêchait vraiment, et puis il arrive toujours un moment ou ça finit par ce savoir, même vis a vis des humains.

Ça fait quelques semaines que je suis devenue Lycanthrope, pour garder mon job. Je veux dire par là qu’après que le QS ai été ravagé, j'ai bien vu que contre certaines personnes, pour ne pas dire groupe, je ne faisais pas le poids et je devais gagner de la puissance brute. Je ne peux pas toujours être préparée au pire. Evidemment c'est a double tranchant il y a des restrictions, mais au final je pense que ça en vaut la peine.

J'espere que ma réponse vous a satisfaite. Autre chose ?

Meluxine affichait un certain détachement après avoir confirmé ce que Tamara soupçonnait. Cette conversation lui avait apporté plus qu'elle ne l'aurait cru au premier abord. Elle serait presque tentée de l'accompagner jusqu'à son chantier de fouille si l'américaine le lui proposait.

Avoir posé la question franchement lui apporta une réponse franche. Dans un coin de sa tête, l'anthropologue se dit qu'elle devrait utiliser le même procédé pour démasquer le couple secret que formaient Charlie et Gordon. Demander sans détour offrait seulement deux possibilités : soit la personne en face entrait dans le jeu, que ce soit pour dévoiler la vérité ou pour manipuler, soit elle perdait ses moyens. Meluxine avait joué franc jeu et Tamara apprit donc que ses déductions s'étaient une fois de plus avérer exactes. Elle avait eu raison de croire que le métier de la joggeuse et les récents évènements que celle-ci lui avait décrits avaient une incidence sur sa nature.

" Il n'est pas vraiment question d'être satisfaite mais je vous avoue qu'il est toujours agréable de voir ses conclusions personnelles être confirmées. "
Tamara arrêta sa musique, sans pour autant enlever son dernier écouteur de son oreille. Elle voyait la route devant elles, signe que leur sortie était terminée.

" Je peux vous demander une petite faveur ? " demanda-t-elle. Mais avant que la blonde ait eu le temps de répondre, l'Américaine continua : " Est-ce que vous pourriez passer à la clinique après une prochaine transformation ? Je suis curieuse de savoir comment se comporte le squelette d'un lycan. "

Tamara défit le sweat qu'elle portait à la taille et le posa sur ses épaules tandis qu'elles prenaient un rythme de marche normale à l'approche de la route. Avec le travail qui l'attendait ce jour et les suivants, il n'était pas question qu'elle attrapa un rhume.

Lune devait avouer que Galway la laissait perplexe. C’était comme si les humains se doutaient de l’existence de quelque chose d’autre qu’eux, qu’ils se doutaient de l’existence des vampires, lycans et autre. Elle avait dû zapper une explication de son frère ou de sa mère parce qu’il semblait que cette ville avait vraiment une histoire chargée. Bien différent de tous les endroits où elle était passée, elle avait la sensation qu’il faudrait qu’elle couvre ses traces avec beaucoup plus d’attention que si elle avait été à New York. Le fait que le chef de leur police était un vampire l’avait aussi plutôt surprise, pourquoi se soucier de la loi des humains ? Cette ville était vraiment déstabilisante. Ca devait surement faire partie de son charme car elle donnait à la vampire une seule envie, fuir au plus vite ce pays de fou. Pourtant, elle ne se sentait pas de suivre son instinct, elle voulait comprendre cette ville et surtout elle voulait voir le spectacle que préparait Hycks…
C’est pourquoi elle se retrouvait à une heure du matin dans la forêt au nord de la ville à essayer de l’oublier sans pour autant fuir à l’autre bout du monde. La vampire avait aussi besoin de cogner sur quelque chose, avec toutes les précautions qu’elle devait prendre, elle n’avait rien tuer depuis au moins un mois. Elle avait l’impression de devenir folle. Elle était donc partie courir dans la forêt et y avait trouvé un endroit où se défouler contre de pauvres arbres innocents. Enfin un en particulier, il lui avait jeter un regard de travers et elle s’était employer à l’abattre à coup de poing. Quand elle avait finalement fait tomber celui-ci elle avait entreprit de le réduire en charpie de façon méthodique, ne laissant qu’un tas de feuilles et d’échardes pas plus longues qu’un doigt. Ayant repris une certaine contenance, Lune entreprit de dégager le sol et continua en faisant des kata, se perdant dans le perfectionnement de leur exécution.

Un bruit tira la vampire de son état second. Elle n’était pas certaine de ce qu’elle avait entendu mais là, même si on n’était pas encore à la pleine lune, elle suivit son instinct et repartie en direction de la ville.
Sur le chemin, elle atterrit, après un magnifique salto depuis une branche, juste devant une humaine assez surprise. Il pouvait y avoir de quoi. Voir tomber des arbres une jeune femme en cycliste et brassière de sport en pleine nuit alors que les nuits commençaient à se faire plutôt fraiches, ça a de quoi interpeller. Surtout, si la jeune femme a le teint d’un cadavre et les cheveux de la même couleur que ceux de votre grand-mère avec au milieu une expression de profonde surprise.

-Konbanwa, fit Lune avec un sourire.

Elle ne pouvait pas vraiment repartir à fond de train comme elle était arrivée, elle aurait été inhumainement rapide. Et puis, elle aurait peut-être l’occasion de se nourrir correctement ce soir.




[HJ: si tu as des remarques n'hésite pas, et désolé pour l'attente]